La pluie qui tombe depuis maintenant une heure fini de me glacer jusqu'aux os. Dans l'eau froide jusqu'au ventre, j'assiste à un défilé de mouches qui ne laisse pas les poissons insensibles.
Devant moi un ombre vient de se cambrer sous ma mouche me laissant voir son corps bleu. Il est grand, très grand, immense. Il gobe en faisant des vagues tantôt des émergentes, tantôt des petits points jaunes qui sautent sur l'eau avant de s'envoler et parfois, comme pour me narguer une sulphure géante.
À force de greloter tout en lancant les bras levés, j'ai mal au cou, aux épaules et il devient de plus en plus difficile de faire les nœuds lors des changements de mouches.
Malgré de multiples permutations et des efforts surhumains pour faire la présentation parfaite, je ne lui arracherai qu'une autre montée courte, 10 cm sous la mouche, pendant une demi seconde.
Transi de froid, je dois me rendre à l'évidence, il n'est pas né de la dernière pluie et m'a mis un sacré cul rouge car il n'a pas fait la moindre erreur. Comme la voiture est encore loin en aval, je dois me résoudre à le laisser en paix pour remonter sur le pontoon.
Malgré les quelques prises de la journée, mon esprit est encore à l'heure actuelle toujours sous l'eau à ses côtés. Ce soir le matériel détrempé sêche devant le feu et l'étau va chauffer jusqu'à tard dans la nuit même si je sais que lors de notre prochaine rencontre, ça ne se jouera pas à la mouche. Il faudra juste faire une chose si je veux attraper ce grand bleu : une présentation parfaite lors de la première dérive. Présentation, présentation, présentation……… Fred
