« je n’en ferai rien, etc… » c’est le genre de politesse qui n’avait pas cours ce jour-là au bord du Gijou. Revenons-y. Nous avions pu enfin organiser une sortie commune, le_cepe et moi, dans ce secteur que je connais très mal. La rivière est belle, vive, avec une eau fraîche en cette fin juillet. Le vallon est schisteux, des murettes de cette pierre noire, blocs posés sur chant, jalonnent le cours d’eau. C’est un témoignage émouvant de la peine que se sont donnée les anciens pour contenir leur rivière, préserver la bonne terre des champs d’en bas… Nous progressions en surplomb sur un sentier encombré quand Yannick avisa ce splendide poisson en contrebas, une fario de plus de 50, un poisson majestueux et serein qui se tenait sur un haut fond entre deux zones plus profondes et obscures. Champignon descend illico se poster légèrement en aval sous un noisetier, je reste sur la hauteur pour profiter du spectacle à venir. Mais l’animal semble insensible au passage de la sèche, insensible à tout d’ailleurs ! Je rejoins Y. et tente d’intéresser la belle avec une émergente. Rien. Il faut tenter la nymphe, mais auparavant changer la pointe pour du 14%, car en se rapprochant encore un peu nous avons bien vu que la bête est encore plus grosse que nous ne le pensions. C’est alors qu’arrive un papy tocqueur, avançant tranquillement sur la sente du bas. Il nous voit pelotonnés sous la branche retombante de notre noisetier, je lui dis clairement (et poliment) de bien vouloir s’arrêter car nous sommes sur un poisson, il continue à avancer ! Je lui dis « STOP !! » et répète pourquoi, suffisamment fort pour être entendu du plus dur d’oreille mais rien n’y fait. Il va arriver à l’endroit dégagé d’où la truite va le voir : on lui gueule de s’arrêter, j’utilise même mon occitan du terroir au cas où la vieille langue lui ferait plus d’effet, mais non! ça y est, il a vu la truite… croyez-vous qu’il va reculer, se tapir, s’excuser ? Il commence à préparer sa ligne, là , alors qu’on avait ce poisson à 5 mètres, juste là devant ! Je suis estomaqué, demande à Yannick bien plus calme si on va le laisser faire, propose de jeter des cailloux pour au moins faire fuir le poisson, quand le type balance son flotteur jaune fluo sur la fario qui bien sûr démarre en un bouillon impressionnant ! Alors là , on lui a tout dit, et fort, mais toujours poliment, en tout cas en français, parce que franchement, je ne me rappelle plus de tout ce qui est sorti en patois…