Haut Languedoc

4 avril 2011

81 - Tarn

Thoré

cérou

Un petit tour en Montagne Noire pour voir si les pluies de l’autre semaine n’ont pas trop malmené les rivières. Les photos envoyées par les amis laissaient craindre le pire, le souvenir des crues d’il y a une dizaine d’années est vif encore. Le secteur Thoré est très impacté, les berges qui n’étaient pas tenues par les puissantes racines de grands feuillus ont été abîmées, des galets ont été roulés jusque dans les prés. Les ruisseaux tributaires ont été touchés, mais ceux qui coulent entièrement en forêt ont bien moins souffert. Par contre, l’effet de sablage sur la roche est impressionnant, les mousses et les matières incrustées ont été décollées et l’on retrouve une rivière toute en minéralité. L’eau semble plus limpide, le granit décapé est d’un gris uni, cela fait penser aux torrents de très haute montagne juste après le recul des névés. Je n’ai pas essayé de pêcher là, pas eu envie de découvrir déjà les bouleversements prévisibles du profil de ces cours d’eau, alors j’ai fait la boucle par les hauts cantons, sachant très bien que les ruisseaux du plateau auraient été protégés par les sanhes, ces immenses éponges vertes que le parc régional a heureusement conservées… La rivière aux sables blonds n’a pas bougé, les prairies humides ont joué leur rôle immémorial. J’ai marché longtemps à travers bois, sur ces hauteurs vallonnées, avant d’atteindre un coin un peu plus abrité du vent. J’ai vu l’hiver qui s’attarde, puisqu’ici il n’y a pas encore un seul bourgeon. Malgré le grand soleil et la lumière crue, il y avait encore quelque chose de glacial au milieu des grands blocs, dans ces failles qui n’ont plus vu la lumière depuis des mois. Plus loin, posté à l’endroit dont j’ai rêvé tout cet hiver, j’ai senti dans le dos la chaleur que la roche dure accumulait, j’ai attendu que quelque belle réagisse au défilé agité de mouches grises que les rafales plaquaient sur l’eau. Et je t’ai prise, toi, à peine plus grande que ma main étalée, dans ta robe glacée semée de jais et d’éclats de rubis. Tu as retrouvé les galets dorés, les paillettes de mica et les bois tordus des saules endormis ; je suis allé vers le printemps des hommes, dans la plaine.

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