dépareillés

30 août 2010

81 - Tarn

Viaur

cérou

Après pas mal de temps passé du côté de la belle famille là-bas dans la Montagne Noire, il fallait bien compenser un peu et proposer d’emmener ma mère par chez nous, à l’autre bout du département, aux confins du 81 et du 12. Ouvrir les volets bleus sur la campagne du Ségala Tarnais, retrouver les vastes horizons d’un plateau qui semble ne jamais finir, faire entrer un peu d’air dans la maison aux souvenirs… Ici pas de ruisseau à proximité, mais le Viaur tout en bas, au fond de la vaste entaille que sa patience opiniâtre a façonnée depuis la nuit des temps. La rivière est importante mais aucune route ne la longe, on se contente juste par ici de descendre, traverser et s’empresser de remonter vers le village juché sur le plateau opposé. Seuls les moulins jalonnent le cours de la rivière, leurs chaussées de pierre calment quelques hectomètres d’eau et la rendent à nouveau aux schistes immémoriaux. Il faut marcher, s’éloigner de ces points de passage et l’on se retrouve seul, dans un décor sans surprise mais si beau dans son austérité. Je suis venu à la toute pointe du jour, guidé par l’immense sillon de brume qui zigzague au milieu des prairies jaunies : la rivière signe sa présence ainsi et l’air prévient qu’il fera très beau encore aujourd’hui. Vite, avant que le soleil n’arrive tout en bas, peigner quelques courants à la mouche noyée, faire vivre une nymphe à l’entour du rocher, glisser entre brume et eau. Pas de cabots aujourd’hui, eux qui sont si présents au printemps, aucun barbeau qui ne se torde dans les fonds, pas de truite non plus aux endroits les plus oxygénés. L’étiage est sévère, le ruisseau qui rejoint ici la rivière ressemble à une calade dans les rues d’un village. Plus bas, la grande retourne est presque immobile, l’eau s’enroule à peine à contre-sens… peut-être l’endroit est-il devenu le refuge de quelques hôtes intéressants ? Un clouser est monté, léger, léger car la 10’6 se charge avec une soie de 4 et la pêche était jusque là presque aérienne. Lancer, relancer… Rien ne vient malgré l’animation du leurre. Je monte alors un truc fait d’un enroulement de fil jaune, rond comme un têtard hépatique, aux yeux proéminents, un machin improbable venu d’on ne sait où, mais peut-être le plus à même de se traîner mollement sur le fond… Strip, strip… Touche ! C’est lourd, c’est vif. Des alevins giclent en tous sens et je comprends leur effroi en apercevant la belle perche hérissée qui s’est emparée du leurre. Une autre la suit un peu, puis disparaît. Le poisson vient enfin : c’est l’une de mes plus belles perches, tous modes de pêche confondus, le mètre Ikéa m’annonce 42 cm ! Je m’apprête à la relâcher quand je me souviens de ce que certains affirment, à savoir qu’une perche manquée fait fuir les autres. Et si celle-ci allait par quelque artifice raconter sa mésaventure à l’autre ? Je confectionne alors un petit bassin bien alimenté en barrant une veine d’eau entre deux roches et installe l’irascible dans ce giron minéral, en lui (me) souhaitant d’y voir arriver sa cousine… L’endroit a retrouvé son calme, tant mieux. Strip, strip… Strip, strip… Rien. Un lancer en limite de courant. Strip, strip… et… la soie arrachée, tout sur le frein, très vite… Le poisson revient dans la retourne, reste invisible longtemps. Pourtant cette fois ci, pas d’envol d’alevins. C’est le fuseau d’un barbeau que l’on devine, et je crains à sa défense qu’il ne soit croché par une nageoire… Eh bien non, c’est bien à la commissure de ses lèvres charnues qu’il est piqué. La défense est furieuse, mais là, ça va, je commence à connaître et ses 60+ ne viendront pas à bout du 15/100ième. Il trouve sa place dans l’aquarium improvisé, et seule la perte de la mouche, conjuguée avec l’arrivée de la forte lumière solaire, me fera renoncer à compléter la photo si rare de deux poissons temporairement vaincus, deux jolis spécimens qu’une rivière saine peut nous offrir encore aujourd’hui.

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