En demi teinte, partagé, sentiment mitigé, clair obscur… j’ai un peu hésité sur le titre, sachant que je souhaitais restituer le sentiment dual qui m’a habité tout le long de la journée d’hier passée sur le no kill de Chazay. Du coup, je ne sais pas si c’est vraiment en suivant un ordre chronologique qu’il faut que je m’attele à la restitution de la journée. D’abord peut être planter le décor, le no kill de Chazay est probablement l’endroit le plus moche des lots de l’UPRA, puisqu’une bonne partie de son linéaire se situe entre le pont de la nationale et celui de l’autoroute, et qu’à la fin de la journée peu de personnes doivent échapper à la migraine liée au bruit de la circulation. Oui mais en même temps, la partie amont se révèle absolument superbe et prometteuse, et j’y retournerai. J’y ai vu une truite absolument gigantesque, de ces visions qui hantent longtemps nos rêves de pêcheurs. Une bête toute noire dont le seul élément de couleur était un « casque » de marbrures beiges et or sur la tête. Bref j’ai fait la rencontre d’un poisson exceptionnel, qu’humblement j’ai voulu prendre en photo plutôt que pêcher mais la belle m’a vu comme je l’ai vu. De toute manière, le coup de ligne était impossible pour un pêcheur comme moi. Ensuite il faut savoir que sur les secteurs accessibles les rives ressemblent à une décharge. Les plages sont constellées de restes d’agapes alcoolisées, les pentes sont des décharges sauvages… C’est cauchemardesque. L’UPRA peut compter sur ses bénévoles pour atténuer la situation, mais il semble que la Commune de Chazay n’y attache aucune importance (en parlant avec un ancien, le maire aurait ces mots « de toute façon quand la rivière monte ça emporte tout plus bas »). Ensuite le soir, ça craint pas mal, j’ai fait la rencontre d’un groupe de trois éméchés qui m’ont inspiré la plus grande prudence, sachant qu’ayant vécu 15 ans en cité, je ne suis pas du style à m’effaroucher pour un rien. Bon, malgré cela, il y a du positif dans cette journée. D’abord qui dit no kill dit jolie densité, et ça faisait longtemps que je n’avais pas observé plusieurs truites en une seule journée sur la BRA. Mais bon, c’est comme « la grosse du pont », elles ont vu défiler des générations de mouche. Ceci étant, l’une d’elle semblait présenter un point faible, celui de se gaver de vairons, les trois bandes noires bien voyantes de ce superbe mâle de plus de 50 cm refletaient bien l’état hystérique du poisson. Pour ce contexte particulier, j’ai un petit lapinou très léger qui se propulse sans difficulté au bout d’un bas de ligne classique et nage dans peu d’eau. Ni une ni deux la belle (le beau !) se rue à la poursuite de mon vairon, faisant gicler l’eau de part et d’autre de ses flancs… Le coeur battant à plus de 200, je ne sais rien faire d’autre que de lui ôter la bouchée de la gueule après 5 m de course poursuite bruyante… C’est fini, elle ne reviendra plus. Je mets 5 mn à combattre mes tremblements tout en m’abreuvant d’injures. Pour me calmer, je décide de me venger sur les quelques énormes chevesnes installés sous le pont, bon moyen de tester mon prototype d’émergente que je réservais à l’ombre pour la fin de la soirée… Sur un plat, sans courant, si je fais monter un vieux chevesne, alors tout est possible… Lancer, lente dérive, un poisson de plus de 2 kg se détache du lot et met un temps infini à se saisir de mon imitation… Je ferre, et casse toute la pointe sur la masse de mon adversaire… Je me dis qu’à ce rythme la journée va être longue ! J’en manquerai en nymphe par la suite. j’attends le soir et ses gobages, qu’une petite pluie tant attendue déclenche vers 21h. Un ombret quand je m’attendais à un beau poisson, un joli (photo) quand je m’attendais à un poisson modeste… Bref, journée partagée entre dégout de voir la rivière si abimée, apprentissage et quelques jolis coup de ligne même si tous n’ont pas été sanctionnés par un poisson.