Il fait un peu moins frais ce soir, les eaux de la Corrèze ont pris de la hauteur avec les ondées des jours derniers. Plusieurs montées se sont produites pendant que je gréais ma canne. L’excitation me gagne, même si je sais presque à coup sûr, quels en sont les responsables: de belles assées aux reflets cuivrés. Ce serait les premières de la saison et plus les années passent, plus je leur trouve des qualités à ces cyprins d’eaux vives… Tiens d’ailleurs, elle n’est pas laide, celle qui glisse, sur le flanc vers ma main libératrice. Les gobages augmentent; de petits voiliers olive se font cueillir sans bruit. J’ai maintenant devant moi plus d’une dizaine d’assées qui s’activent dans ce courant régulier et en tête, là où l’écume persiste encore un peu, une truite prend régulièrement. Je la tente et au contact, elle cabriole instantanément. Pendant que mes doigts sèchent au contact du liège, un poisson plus sérieux montre son dos. Les bulles s’arrêtent un instant à hauteur de sa tenue puis crèvent à la reprise du flot. L’artificielle passe et repasse sans succès, la truite continue sans bruit aucun à laisser voir son échine. Serait-elle borgne? me dis-je, cherchant une excuse à mon insuccès. Un peu plus amont, elle ne doit pas l’avoir vue encore ta mouche. La petite tache claire vogue, mes yeux attendent un accident de parcours… Emotion, je la vois sans hâte prendre en confiance en s’écartant un peu sur sa droite. Sa surprise vite estompée, le poisson file en me dépassant vers l’aval du gour. Elle est sage désormais dans la filoche. A lents coups de queue la truite s’éloigne de moi…