Je suis sortie de ma frayère, il y a trois semaines déjà avec les frangines, mon sac vitellin ne se voit presque plus, pourtant, j’ai du mal à rester derrière ma branchette ou mon caillou. Quand la lumière baisse, le courant devient si fort que je me retrouve à explorer des rigoles et des vasques. Avec quelques cousines des frayères de l’amont, j’y suis au calme. Les traîne-bûches nous frôlent mais gare au monstre sombre à grosse tête qui jaillit en planant du fond ! Lui aussi s’y aventure… La nuit est courte, et avant l’aube, tous ces lourdauds avec leurs étuis de grains de sable ou de brindilles se trémoussent et me chatouillent de plus en plus. Je me sens fatigué , je respire péniblement et le ciel semble plus proche, plus lourd. La gourgue, la cuvette deviennent des flaques ridicules et j’ai beau en faire le tour, je ne ne retrouve pas l’entrée de la veille; j’ai peur maintenant et je me planque sous une chevelure de mousse qui dépasse déjà de l’eau tiède. Des vibrations terribles se rapprochent, je quitte mon abri et je nage vers ce réduit sombre à l’opposé de ma cachette. Je me colle tout contre la pierre. Une forme allongée crève la surface et se dirige ver moi! Surtout ne pas bouger: de toute façon , je nage moins rapidement que cette nuit… La forme rose m’a touchée et j’ai fui vers cette grande tache claire devant moi. J’ai beau essayer de respirer dans tout ce blanc, j’étouffe! Je suis à l’envers et je chute dans une autre cuvette. Vite nager vers le fond , j’y vois des soeurettes. Je respire mieux mais la lumière est aveuglante. Un courant caressant, frais, pénètre dans la bulle. J’en sors un peu indécise à la suite des autres. Nous nous égayons rapidement pour nous planquer à l’ombre de la berge toute proche. Là, je reprendrai des forces jusqu’à…