Vers 18h30, me voici en train de passer ma soie dans les anneaux et d’observer trois truites s’activant à quelques mètres de là, chacune d’elles devant de beaux rochers dont les têtes moussues émergent. Les gobages sont silencieux, laissant apercevoir les extrémités de la dorsale et de la caudale. Gobages en série – 3, 4 de suite puis calme pendant plusieurs minutes. Puis de nouveau une séquence des montées successives. Je songe à des fourmis et, en effet, en voici qui descendent à mes pieds rapidement interceptées par des vairons. Pour tenter quelque chose, je me vois contraint de les contourner par l’aval. Les berges vaseuses sont moins glissantes, les niveaux sont stables depuis maintenant presque trois semaines, mais il me faut traverser avec la canne un aulne encombré de bois mort. Tout cela m’occupe bien dix minutes et lorsque je suis enfin positionné, l’activité a cessé, aucune fourmi ne dérive plus. Sans conviction, je lance trois fois sur la tenue la plus proche sans aucun résultat. Deux heures vont se passer et je prends mon mal en patience immobile au frais. Je laisse les courants m’apaiser ; c’est une belle soirée de début d’été distillant plénitude, harmonie. Un superbe ragondin me fait sursauter et sans me quitter de l’oeil décide de remonter le pool. Puis c’est un moteur plus haut, des portières claquent et un splendide sac blanc bourré de jn’sais quoi heurte l’eau et vogue jusqu’ à une branche crocheteuse. Voilà de la réalité … Le crépuscule s’annonce et quelques gobages bruyants se font entendre. Enfin de l’action : ma peute se pose à une dizaine de mètres dans l’accélération aval. Je ne ferre pas, le poisson s’en charge tout seul. ça tire un peu, » C’est une truite ? me demande le collègue de la rive opposée, – Oh oui, je pense. Tu parles; en fait c’est une belle assée qui se tenait là en plein courant! A fish is a fish… Devant moi, encore plusieurs gobages mais rien n’y fait et vu l’heure, je ne veux pas changer d’imitation. ça sent la bredouille, l’heure légale se rapproche sauf que, à deux longueurs de canne, l’une de celles qui se gobergeaient de fourmis s’est remise à table sans discrétion. Je finis par l’intéresser et elle s’en va chercher les rochers du fond plus amont, ceux-là même qui m’ont déjà fait perdre deux beaux poissons. Je suis en 12 ce soir et plus serein… Avant de rentrer dans la filoche, elle se bat vaillamment en décrivant un circuit sur 360°. Je regagne la berge avec précaution car je garde encore souvenir de mon bain à 10° du mois de mai. Les niveaux étaient plus forts et j’avais dù nager sur plusieurs mètres avant de sentir le plancher. Je la laisse repartir dans le noir , allez à demain! plus amont ou plus aval… Christophe Douziech