Depuis le temps que je vous parle de la pisciculture d’Osserain, il fallait bien que je finisse par m’y rendre. J’avais donc rendez vous avec Bernard Deloustal samedi à 8h. Ayant mal évalué le temps de trajet depuis Pau je l’ai raté mais on s’est retouvé au canal de Dognen vers 10-11h. Il me salue de loin et descend rapidement pour voir si il y a des poissons à récupérer. Il est déja en bas et je décide de le rejoindre mais je peine à le suivre. Ce jeune retraité est vif, sec, et il voit clair. Sautillant sur la berge d’en face il me fait comprendre qu’il a déja un poisson dans le coffre de son Kangoo, et qu’il n’y a pas de temps à perdre. La tournée du canal est donc expédiée rapidement et on file en direction d’Osserain. Bernard me montre le poisson, une superbe femelle de 94 cm pleine d’oeufs. Impressionant ! On n’a pas trouvé de mâles dans les canaux : blessés, ils meurent plus vite que les femelles et la crue de jeudi a du en faire descendre un bon paquet. Mais trouver du sperme n’est pas vraiment un problème. Habituellement Bernard en prélève sur de petits tacons élevés dans la pisciculture. Etonnement, ces poissons sont en effet fertiles dés leur premier anniversaire. Mais ça n’est pas le cas cette année car l’eau des bassins n’a pas été suffisament froide pour les rendre spermiens. Prévoyant, Bernard a donc fait venir quelques saumons mâles landlocked de la pisciulture de Cauterets. Ces poissons élevés intégralement en eau douce sont minuscules pour leur âge : 50 cm pour des poissons censés avoir 6 ou 7 ans. Vu la quantité d’oeufs que la femelle va libérer Bernard décide de prendre deux mâles. Quand tout est prêt il sort la femelle du sarcophage protecteur dans lequel elle a fait le trajet en voiture, il l’emballe dans une serviette, et il lui appuie sur le ventre de haut en bas pour faire tomber les oeufs dans un seau. Ca fonctionne parfaitement et en moins d’une minute notre grande femelle est vide. L’impression visuelle est saisissante : son abdomen est maintenant complètement à plat, comme une chambre à air dégonflée. Bernard la met dans un bassin ou elle mourra dans les jours qui suivront. C’est ensuite le tour des deux mâles. Bernard mélange la semence avec les oeufs à l’aide d’une plume, puis laisse reposer 20 minutes. Les oeufs sont ensuite disposés au fond d’une cuve plastique parcourue par une eau idéalement oxygénée et maintenue à 10°. Ils y passeront un certain temps, couvés chaque jour par la surveillance inlassable de Bernard. La pisciculture d’Osserain est établie au bord du Saison (ou Gave de Mauléon) qui l’alimente. Elle dépend de l’AAPPMA du Gave d’Oloron et est animée par des bénévoles (principalement Bernard Deloustal). La machine servant à nettoyer, oxygéner et réguler la température de l’eau a été offerte par l’A.I.D.S.A (association internationale de défense du saumon atlantique). Les tacons produits par la pisciculture sont déversés sur les Gaves béarnais. Il y a également une petite production de truite (certains ont d’ailleurs déja éclos). Depuis le début de l’hiver 27 saumons femelles pleines ont été récupérées dans les canaux bordant le Gave d’Oloron. Les oeufs ont été prélevés et fécondés à Osserain. Si personne ne s’était occupé de ces femelles elles n’auraient pas frayé dans la rivière, car elles sont capturées dans un état critique. La récupération des saumons moribonds est donc une façon intelligente de récupérer des oeufs issus de saumons sauvages : ce ne sont pas des poissons piégés en pleine remontée qui auraient pu potentiellement se reproduire de façon efficace dans la rivière. C’est un coup de pouce donné à la nature en prélevant des oeufs qui autrement n’auraient pas été fécondés. Pour info : jeudi il y a eu une grosse crue (pluie + douceur), EDF en a profité pour procéder à une « transparence » : évacuation des limons et autre d’un barrage (sur l’Aspe). D’après ceux qui l’ont vu la rivière était rouge et d’une turbidité effarante. Espérons que cela n’ait pas suffit à colmater les frayères.