Les vaches étonnées me regardent passer sur mon vélo trop petit tandis qu'une fine bruine fini de tremper ma casquette déjà ruisselante de sueur. Que ces 12 kilomètres entre mon point de chute et le bateau laissé en amont me semblent longs. Malgré toutes mes tentatives, le dérailleur rouillé refuse de quitter la vitesse la plus difficile à mener. Jambes pliées, à forcer comme un malade pour grimper ces petites côtes, je m'épuise sur le vélo de ma fille. Et c'est dégoulinant de sueur à une heure déjà bien avancée que j'arrive enfin à mon point de départ. Petit casse croûte avalé à la hâte et c'est parti. « Il faut que tu sois à la maison à 19 h » m'avait fait promettre mon épouse. De loin en loin quelques giclures signalent la présence de poissons en poste sur des proies appétissantes. Mais trop sporadiques, ces gobages ne permettent pas de pêcher en sèche. En revanche, sous l'eau, les poissons mettent de grosses baffes aux noyées. Cela me donne l'occasion de faire mes premières prises sur des mouches montées avec les plumes de mes propres coqs, mais je ne suis pas là pour cela. J'ai des devoirs à faire. Avec application, je prospecte au streamer les postes qui défilent sur les cotés du bateau. Et il ne faut pas longtemps pour qu'une première touche franche secoue le manche de la Sintrix. Après un combat rapide, un lingot cuivré apparait des flots noirs, la mouche piquée en pleine langue. C'est réconfortant. Quelques courants plus loin, après un posé ambitieux entre deux branches basses, le choc est plus puissant, proportionnel à la décharge d'adrénaline qui vient de se déverser dans mon sang. Le combat est lourd, brutal. Le poisson change souvent de direction m'indiquant qu'il n'est pas si monstrueux que ça. Il ira jusqu'à tenter de gagner la partie au milieu des rames mais ce chapitre est déjà retenu si bien qu'il se retrouve sans tarder au fond de l'épuisette. Revenu au bord, la truite est là , dans peu d'eau, exhibant des caractéristiques parfaites de la souche locale. Elle aussi a gobé la mouche sans retenue. Le temps d'une pose pour faire quelques ombres en sèche et je toucherai à nouveau un autre poisson sauvage plus petit mais qui a pris la mouche comme dans les films. Posé, deux tirées et la touche. Des séries comme ça, sans tapes à vides, sans poissons qui flashent sous le stream sont rassurantes. Elles permettent de dédramatiser la pêche au streamer et montrent que lorsque le poisson est en poste, une imitation bien présentée n'a pas de raison d'être refusée. Tout au long du parcours, je croiserai de nombreux amoureux de la rivière contents de pouvoir enfin pêcher la Belle. Les niveaux sont encore un poil tendus mais faute de pouvoir pêcher en sèche dans des conditions optimales, on en profite pour parfaire l'apprentissage… Fred