Le ciel s’est enfin voilé, le bleu a fait place aux nuées grises. Le vent des jours précédents s’est effacé laissant le champ libre à une tiédeur humide propice à quelques lancers. La neige des saules oubliera les noeuds de mon bas de ligne et de ma mouche… En milieu de matinée, la voici, inespérée, attendue, cette pluie tant désirée qui l’espace d’une petite heure crible ces courants. Sous l’averse, des insectes chutent des frondaisons et soudainement les poissons se déchaînent . Des ombres sans doute au vu des éclaboussures et de leur concentration. Plus aval, l’eau s’assagit, les vaguelettes meurent et le miroir se reprend. Un dos doré a marsouiné. Je me décide à aller voir de plus près… Plusieurs poissons s’alimentent, un chapelet de prière à écailles et à petits remous silencieux… La dérive est bien garnie, les mites à l’abdomen verdâtre fournissant les agapes et commençant à s’infiltrer sous mes verres de lunettes et ma combinaison de pêche. Beaucoup, leur devoir accompli, noyés, emportés par les flots finissent dans l’estomac des poissons. Je ne veux pas passer sous l’eau, je veux voir ma mouche mais il me faut insister pour commencer à décider ces affamées… L’une d’elles est presque difforme, l’estomac distendue d’insectes semblant l’avoir ballonnée outrageusement. Le premier grain du chapelet est toujours à table et me fait presque sursauter en s’emparant violemment d’une mite affolée. Je n’ai pas trop loupé mon lancer mollasson et ma mite semble bien dériver dans l’écume. La truite ne rechigne pas, le fer a piqué et c’était sur mon premier essai, pour une fois… J’ai presque égrené toutes les perles, c’était intense, bref et bon.