La journée avait pourtant bien commencé. Un bon casse croûte avec les copains, autour d'un barbeuk à déguster de l'agneau du Lot grillé à souhait…
Mais au moment de mettre le bateau à l'eau, un boudin qui dérape, le bateau qui se penche et là, comme un coup de fusil : l'ancre d'une vingtaine de kilos vient d'emporter 25 cm de ma NTi 9'6 soie de 7 en tombant juste au dessus de l'accroche mouche.
La loose. Les premières mouches dérivent à bon train, les copains sont en action et j'en suis à courir à la voiture pour ranger les morceaux de carbone désossés par cette maudite ancre. Heureusement, j'ai une canne de rechange, je la monte à la hâte mais lorsque je prends le large, l'éclosion est quasi terminée.
Grand soleil, un vent de plus en plus turbulent : ça pue. Pas grave, on se promènera.
Faute de ronds, il faut se résoudre à pêcher sous l'eau. Mais de gravière en gravière, l'espoir de faire pêche s’amenuise car je n'ai toujours pas eu la moindre tirée.
Le moral dans les chaussettes, par habitude, je fais dériver mon train de noyées dans ce petit bras mais toujours rien. Puis vient ce poste qui nous a déjà rapporté de jolis poissons mais rien. Matt sur la berge installe sa caméra quand soudain, un autre coup de fusil résonne dans le carbone jusqu'à mon poignée.
Pas un coup de tête, pas de départ en trombe, le poisson descend vers le fond et sonde. Il me faut moins d'une seconde pour repasser en revue tous les défauts de mon bas de ligne. Cela va de la pointe en tire bouchon entre l'intermédiaire et la mouche de pointe, au fait que j'ai fait ce bas de train de mouche vendredi dernier et qu'il a deux bonnes heures de pêche dans le ventre en passant le fait que j'ai pincé le fil de ma potence dans l'alu du bateau et que sa résistance est plus que précaire.
Comme ma canne traîne dans la voiture depuis deux jours, les mouches ont accroché divers vêtements, elles ont goutté de ma pince à ébarber. Je ne sais pas dans quel état est le métal… Tout va donc pour le mieux. Et ce n'est pas comme si j'étais filmé. LOL.
Mais le pire, c'est que dimanche dernier, en rentrant de la pêche, mon gilet était trempé. J'ai vidé l'eau de chaque casier de mes boites à mouche puis j'ai laissé mon gilet devant le feu sur une chaise. Sans doute un poil trop près car le plastique de la bobine de fil a fondu. Et j'ai fait ce bas de ligne avec ce fil qui a surchauffé. Bref, je suis au top pour avoir fait tout ce qu'il ne faut jamais faire.
Au fil des secondes, il se confirme que ce poisson se bat en force, sans mettre le moindre coup de tête. Après m'avoir pris de la soie, il se laisse maintenant remonter au moulinet. Je suis soulagé lorsque je vois enfin ma sauteuse. En revanche, à la vue de la silhouette de la truite ma joie est de courte durée. C'est un très beau poisson et l'épuisette est restée sur le bateau. Un rapide coup d'oeil à Matt m'indique qu'il va me laisser me débrouiller tout seul car ses mouvements de la tête signifient clairement qu'il n'entend pas quitter sa caméra pour aller chercher l'épuisette. Je lui revaudrai ça.
Puis le poisson arrive, zébré, puissant, tout en gueule. Une reine de la Dordogne qui se laisse finalement attraper sans poser trop de problèmes.
D'un coup, le temps s'accélère, faire au plus vite, quelques photos, un coup de gopro, laisser le poisson dans l'eau, savourer, admirer… puis relâcher.
Que ces poissons sont beaux. Comment se lasser d'un tel spectacle?
Retour au bateau, un boudin est à plat. Galère pour regonfler, il fuit grave. Naviguer dessus devient dangereux. Il faut se résoudre à l'abandonner. On le convoie tant bien que mal à la mise à l'eau la plus proche un bon kilomètre en aval et il faut finir la journée à deux sur le canoe. Nouveau coup dur mais qu'importe, les batteries sont rechargées à bloc.
Et puis, ce sont ces enchaînements de choses improbables, parfois violentes comme un coup de fusil qui font que des journées de pêche communes se transforment en journée mémorable. Alors…
Longue vie à toi, jolie reine de la Dordogne.
Fred