La semaine est finie. Les multiples lacets de la route descendant vers la vallée défilent, les cieux sont bien gris, les guitares acidulées des Raveonettes emplissent l’habitacle. Je n’ai pas mis un pied dans la rivière que le vent de la pluie brouille le miroir. A pas lents, c’est la remontée en tâchant d’amoindrir mes vaguelettes. Ma ceinture baigne désormais, le cri rouillé de la poule d’eau cachée dans les vergnes me rappelle que je suis repéré malgré mes précautions… L’averse se calme. Je reprends ma station verticale au sein des tresses aquatiques qui mollement ondulent. Deux bulles, un beau remous visqueux à quelques mètres en amont sur ma gauche. Récidive un peu plus à gauche. L’ondée m’évite le suçotement de l’émergente que je parviens à déposer prestement. Un autre beau remous, je tends et c’est une fuite lourde vers la rive profonde où gîte ma copine la poule d’eau. Puis plusieurs sauts viennent déchirer l’onde calme. Mon fil tient, ma canne travaille et couche la truite en surface. Changer de main, libérer la droite pour tenter d’immobiliser le poisson. Effleurement de la queue, pas bon ça, la truite déteste et repart. Cette fois-ci, je choisis la caresse et l’emprisonnement des pectorales. Pour fixer ce bon moment dans la petite boîte numérique, il me faut retraverser la rivière et faible débit m’avantage fortement. Dans les derniers mètres, de plus en plus courbé, j’échappe ma prise et c’est en laisse que je la conduis entre les galets. Une « vieille main » et ami me « cherche » de l’autre rive pendant que je photographie. La fin approche, ramener la créature en eau plus haute, enlever la mouche, la soutenir face au courant ralenti, ouvrir les mains et la suivre un bref instant sur les cheveux verts. « Bolard » je fus…