J’ai descendu la chaise longue en contrebas près du ruisseau. Juillet étouffe. La montagne vibre de chaleur, les petits scarabées bleu-turquoise sont montés à la pointe des fougères. Je tire ma toile de la même couleur que ces bestioles sur la dalle de granit où l’eau froide affleure. L’émeraude de l’eau trahit la profondeur de la gourgue. Il y a le bruit de la cascade qui emplit la grande oule de pierre, le chuintement de l’eau qui file un peu plus bas. Mon livre est tombé plusieurs fois déjà sur mes genoux, mes yeux se ferment sur le damier changeant des lumières qui percent l’ombre des grands arbres… … Comme le meunier qui, dit-on, se réveillait au moindre petit bruit inhabituel parmi le fracas de ses engrenages, quelque chose m’a réveillé. Un signe discret parmi tous les bruits du torrent. Les yeux clos encore, je sais qu’il s’agit d’un gobage. Je tourne lentement la tête et ouvre les yeux sur la surface lisse. Un poisson est là, tout près, petite fario qui se déplace beaucoup et chipe régulièrement de toutes petites choses en surface. Parfois elle disparaît sous le contre-jour du miroir, revient plus près encore. Je souris à la provocatrice, goûte l’ironie et le bonheur de l’instant. Il n’y qu’à fermer à nouveau les yeux, ne rien faire, niente fare, et s’abandonner à la torpeur.
Notifications