Comme c’est souvent le cas en période de fortes eaux, les débits réservés servent de refuge pour pêcher un peu malgré des conditions pas évidentes ailleurs. Le temps couvert est de bon augure mais à mon arrivée, je constate que l’eau est un peu basse pour espèrer toucher les plus beaux poissons du secteur. Malgré quelques mouches en surface, l’absence de gobages m’oblige à pêcher en nymphe. Après deux ou trois postes, me voilà rassuré : les truites sont dehors, fidèles au poste. Parfois à 10 cm près par rapport aux années précédentes, elles prennent généreusement la mouche. Cela fait vraiment plaisir de progresser au milieu des blocs en devinant presque d’après l’expérience des années précédentes où se produira la touche suivante. Arrivé à environ la moitié du parcours, la vingtaine de truites qui m’a fait l’honneur de se saisir de ma mouche suffit à rassasier ma boulimie de pêche. C’est la première fois où je teste ma Z Axis en eau rapide avec la soie naturelle : elle est parfaite. Profitant de l’aubaine d’avoir des truites sauvages en poste, je décide de passer le reste de l’après midi à explorer un peu plus une pêche encore mystérieuse pour moi : le streamer. Malheureusement, le poisson blanc que j’ai monté ressemble à un épouvantail et mes imitations de vairons à des enclumes. Mon regard se porte alors sur une vieille imitation de chabot qui traine au fond de ma boite. Montée au lendemain d’une touche énorme sur la Corrèze il y a bien une dizaine d’année, elle a droit aujourd’hui à sa deuxième chance. Au deuxième poste, une truite la charge violemment mais ne se pique pas. Commencent alors trois heures de pêche intensive sous la pluie et le vent. Le déchet est énorme. Je déclenche vraiment peu de poissons au regard du nombre de truites en poste. De temps en temps seulement, un éclair sous la mouche provoque une secousse dans la soie mais rien ne se pique. Les attaques visibles sont pourtant sérieuses. La nuit approche, ça bouillonne dans ma tête. Autant j’ai démystifié la pêche du brochet, de la perche ou des truites lachées, autant je bute sur la truite sauvage au streamer… Pourquoi? Allez, encore un dernier poste. Je lance près de cet enrochement, dans ce courant mais rien ne se produit. J’allonge une dernière fois et c’est la touche lourde, le combat en force. Un poisson très pâle arrive en se tortillant. Non! A tous les coups c’est une lâchée. Au bord du désespoir, j’osculte ce poisson sous tous les angles. Il a toutes ses nageoires, possède une robe superbe, c’est bien une belle sauvage ornée d’or comme la plaque de granite qui lui sert de poste. Encore perdu au milieu d’un océan vu le chemin qu’il me reste à parcourir pour maitriser la pêche de la truite sauvage au streamer, cette truite restera dans ma mémoire comme une immense bouée de sauvetage. Je tiens une piste, un modèle à travailler, une voie à explorer. La machine est en marche… Fred