En apercevant les courants, je souris et je songeai à la fuite inexorable du temps…J'ai enfilé mon pyjama, constaté qu'il fuyait pas mal, que la rivière poussait bien et que mon bâton ne serait pas incongru. Le gilet trempa, j'ai adoré sentir le froid dans la moitié inférieure de mon être. Mes pieds auscultèrent les fonds et quand je fus plus « au sec », je pus voir que des poissons étaient dehors et que des insectes descendaient nombreux. J'en fixai un jaune, grotesque au bout d'un bon fil et dès que ma canne se chargea, j'y fus, mes pensées cessèrent.
Les lancers n'étaient pas trop mauvais, la pointe s'amollissait avec la plume en aval et les poissons se trompaient. J'eus des ratés, des dépiquages, puis des décrochages. Une truite me renvoya même l'hameçon dans les lunettes après s'être tendue droite dans un saut libérateur. J'ai peiné à filocher certains, à les basculer en amont tant l'eau pesait.
Doucement, tout se calma. Les dorsales pourpres traversées par la lumière disparurent, les coulées lentes redevinrent lisses.
J'eus frais soudain , je revins à terre sans faire la planche.
Les merles ivres emplissaient l'air. Je bus une gorgée d'eau, c'était bon….