Imaginez une rivière à truite. Ajoutez de grandes barres calcaires. Une belle eau vert clair. Imaginez une bordure à truite. Une belle bordure à truite. Non, plus belle encore. Des contre courants qui remontent et se cognent moelleusement à des racines recouvertes de mousse. Imaginez la solitude. Le bruit de l’eau. Et maintenant, ajoutez des mouches. Pas d’affreux chironomes, si petits que les truites dédaignent les gober, non, de belles éphémères, ailes grises, corps beige, qui dérivent en rang d’oignon et qui se perdent dans les remous, qui valsent dans les retournes, d’amont en aval, d’aval en amont, perdues dans un formidable chaos de veines d’eau. Vous êtes là, donc, dans des conditions parfaites, sur une bordure accessible au prix d’une descente en rappel dans les ronces, canne entre les dents. Ca va gober, ca ne peut que gober. Tout est réuni pour que les truites entrent dans la danse. Pourtant, rien. On se résoud alors à remonter un peu, pour aller voir plus haut. Un pied après l’autre on avance le long du bord, scrutant ces postes somptueux. Ah, là, dans cette petite retourne, il y a eu quelque chose. Pas facile à voir car de l’écume se mêle aux mouches qui dérivent et dans des postes comme cela les truites gobent rarement avec ostentation. Petite pause, pour observer. Elle est remontée, c’est sûr ! Il n’y a plus qu’à lancer. Coup droit à l’horizontal sous les branches et les ronces qui surplombent. Poser idéal. La mouche disparait, aspirée dans un gobage d’une discretion infinie. Ferrage. Le poisson est au bout. Comme tous les poissons postés dans peu d’eau le démarrage est rapide et puissant. Il y a du poids au bout de la ligne et mon poisson remonte le courant en gagnant la pleine eau, désertant la banquise sur laquelle il gobait. Coups de tête, il remonte encore un peu puis se laisse descendre la veine centrale. Je prend finalement la direction du combat, un peu facilement d’ailleurs pour un poisson de cette taille. Je l’amène en surface et … et … et … c’est un chevesne de plus de 50 cm qui me regarde, la gueule grande ouverte. L’eau est à peine à 8 degrés, le temps est couvert, et pourtant je prendrais plusieurs chevesnes exactement de la même façon ou sur des grands lisses, pour seulement 2 truites (assez jolies il est vrai). Je savais qu’en allant aussi loin en aval de Mauléon je m’exposais à ce genre de surprises, mais à ce point c’est vraiment à pleurer ! Il y a tout juste un an j’avais eu le même succès que JY sur le parcours d’Oloron, mais il faut savoir partager alors cette année, je déserte les lieux publics pour une pêche plus sauvage. Ca finira par payer (?).