Le soleil est juste au ras de la colline quand le bout de mes chaussures atteint les premiers galets humides; Le temps de graisser la soie et de rallonger la pointe et d’y fixer un simulacre acceptable, la vallée est dans l’ombre. Les riffs rageurs qui résonnaient dans le coche s’estompent gommés par la mélodie des courants. J’adore ces douces ondulations, ces vaguelettes qui s’adoucissent et y suivre mon gros sedge roux, petit bateau soudainement happé dans un ressaut d’eau bousculée. La canne se courbe mais le poisson s’est déjà libéré… Un peu plus loin dans ce couloir entre deux courants chahutés, une nouvelle montée éclaboussée, essayons d’y passer. J’ai dû ferrer aussitôt et pourtant l’ombre a englouti la grosse phrygane ! Faudra que j’en goûte de ces tricoptères gris tout piquetés de brun qui se posent sur ma nuque et mes poignets… P. me rejoint et se place plus amont et déjà un beau poisson s’est emparé de sa mouche. Devant moi, j’ai entendu une succion mais c’était où ? Là, à une longueur de canne, le remous sonore qu’il faut vite couvrir car le poisson chasse, sensible aux sautillements ces petites mites sombres… Ma mite disparaît et la truite se bloque quelques secondes puis dégage vers le large. Je vais la filocher quand elle réunit toute sa vitalité et prolonge avec suspense en aval. La nuit s’approche et les sedges ont stoppé leurs premiers décollages maladroits de la surface. Faudra que j’en goûte de ces mites survitaminées…
