La fessée

25 avril 2010

Basse Rivière d'Ain

clema74

(pour Fanfouet qui a réclamé une news) Durant cette longue semaine merdique au boulot, je n’ai pensé qu’à une chose : faire un beau poisson dans le we. J’en ai besoin… La fatigue est là quand le réveil sonne à 5h45 dimanche. Mais j’ai trop besoin de pêcher, du calme des bords de rivières, de voir de beaux poissons. En prenant mon café, je ne sais pas encore où je vais aller. Un coup d’œil sur les niveaux me donne la réponse : la BRA. C’est ce que j’espérais, l’Ain me manque ! Je me décide à explorer un coin inconnu. Les belles bordures que je connais doivent manquer d’eau. Et puis, elles sont sans doute fréquentées. Le chemin me paraît long. En arrivant je profite du lever de soleil. Que j’aime ces moments privilégiés offerts aux pêcheurs lève-tôt. Je ne suis là que depuis 5 min et la première zébrée apparaît en bordure. Ma 1ère tentative ne la séduit pas et un vieux pêcheur bruyant arrivant derrière moi la fait fuir. Je ne lui en veux pas, j’étais bien caché, il ne m’a pas vu. Quelques dizaines de mètres plus loin, je n’ai besoin de personne pour faire partir la 40+ qui se promène dans peu d’eau. L’idée me passe en tête que j’ai raté ma chance et que le beau poisson attendu ne viendra pas à l’épuisette. Je n’ai qu’à moitié raison : pas de beau poisson pris, mais j’ai eu d’autres chances. Beaucoup d’autres… J’ai vu en cette matinée plus de truites que depuis l’ouverture. Je ne serai pas foutu d’en faire une. Voilà des semaines que je monte des modèles de gammare, sans trouver celui qui me plaît. Mon intuition était bonne : mes modèles ne séduisent pas les truites de la BRA, pourtant attablées sur des amas de ces crustacés. De toutes les demoiselles vues, je ne pourrai en attaquer que 3. La bordure est abrupte et l’approche très délicate. La plupart des zébrées ne m’ont laissé que le temps de les apercevoir, simplement l’idée de les attaquer les fait s’enfuir. Au fil de minutes la frustration monte. En passant la tête entre 2 branches sur une haute bordure, je vois une grappe de 4 belles. Je cligne des yeux, 3 sont déjà parties. (véridique!). Il reste une 55 qui donne de grands coups de gueule dans de beaux gammares. J’arrive à m’approcher. J’ai même l’occasion de poser mon imitation 30 cm devant elle. Il n’y a pas de courant à cet endroit. Elle lève le nez… mon cœur s’arrête. Je crie en moi « vas-y, vas-y prends le ». Elle me laisse quelques secondes pour y croire, et d’un coup de queue s’en va paisiblement. Comme pour me dire : « faudra faire un peu mieux que ça mon petit ». A 3 mètres à ma droite des remous révèlent la présence d’une autre de 45 que je n’avais pas vue. Mais mon mouvement de tête pour l’apercevoir me trahit. Elle part elle aussi sans hâte. Je fume une clope pour me détendre. Je décide de ne plus bouger d’ici : l’une d’elle reviendra forcément. C’est la bonne intuition… La jolie 45 vue en dernier est revenue effectivement. Je comprends son manège : elle fait son tour pendant environ 15 minutes, puis revient et se poste dans la veine au cul d’une pierre plate. Elle reste une petite minute à nympher et repart pour un tour. 3 tours me sont nécessaires pour pouvoir être à portée, j’ai peur de mal me placer et de me faire repérer. Quand elle s’absente, je rampe dans les branches et les ronces. Le temps passe si lentement, que parfois je me demande s’il passe vraiment. Chaque mouvement est une galère. Je laisse mon chapeau sous des branches, je ne veux pas qu’il me trahisse. Je finis par être à portée d’arbalète. Je suis couché là, canne bandée, gammare entre le pouce et l’index. J’attends. Elle revient, je tente. Un peu court. Je ne peux pas bouger ma canne sinon elle partira. Je n’ai qu’une chance par tour. Le manège se poursuit… Je finis par être à moins 1m50 de la jolie zébrée. Je pourrais presque compter ses points. Je suis partagé entre l’émotion d’être si proche d’un beau poisson et la crainte d’être repéré. Le jeu dure presque 2 heures. 2 longues heures d’attente et de mouvements calculés. 2 h de réflexion, d’espoir et de crainte. 2 heures de tension. Je lui présente mon gammare qui reste inefficace, puis entre 2 tours je change pour une petite cuivrée. Mais elle n’y jette même pas un œil. Le courant est très complexe et je n’arrive pas à poser la nymphe dans la bonne veine. Je tombe toujours trop court. Et je ne peux plus avancer… bloqué. Je finis par craquer et vouloir tenter une seconde chance dans le même tour. Elle voit sans doute ma canne et tourne le dos, je la vois s’enfoncer dans les eaux plus sombres. Je reste 20 minutes en espérant son retour. En vain… Le soleil est haut dans le ciel. Les baigneurs arrivent et les pêcheurs en short aussi, lançant leurs bouchons à quelques mètres de moi. C’est fini, j’ai encore raté ma chance. Je me relève et le pêcheur en short semble étonné de me voir sortir de nulle part. J’étais très bien caché. J’ai mal un peu partout et des fourmis dans les jambes. Je remonte les 200 mètres de bordures où j’ai vu tous ces poissons. Les barbeaux ont remplacé les truites. Ils sont nombreux dans le courant à fouiller les pierres. J’en attaque un pour sauver la bredouille au raccroc. Je manque mon ferrage. Allez va…c’est bon rentre chez toi pauvre couillon ! Il est midi… La confiance accumulée grâce aux quelques prises depuis mars s’est envolée d’un coup. Mon égo me cuit, comme s’il venait d’être fessé. Je m’en veux et me sens minable. J’ai l’impression d’être le plus mauvais moucheur du monde. Je me demande pourquoi je n’ai pas choisi le bowling plutôt que la palm. Au moins les quilles ne s’enfuient pas… Ces truites m’ont encore jeté mes limites au visage. Et je n’ai pas envie de tendre l’autre joue… Nous sommes maintenant mardi… Les mots de mes potes pêcheurs m’ont réconforté. Bien sûr que c’est dur. Et qu’est-ce que j’espère ? c’est ma 3é saison, et je voudrais taper des mémères à tour de BRA (de bras) ? Et non pépère faudra encore prendre des volées pour comprendre comment tout se petit monde fonctionne. Tout bien réfléchi… Je vais monter un nouveau modèle de gammare… et ce week-end je serai au même endroit… à ramper sous les mêmes branches, dans les mêmes ronces qui m’écorcheront encore les bras… j’ai la rancune tenace. Et j’ai maintenant un compte à régler avec les truites de cette bordure. Si elles pensaient me décourager, elles se sont trompées… Lundi je posterai une nouvelle photo d’une belle de la BRA ; Si ce n’est pas lundi, ça sera celui d’après… ou le mois prochain. Ou l’année prochaine… C’est qui le sommet de la chaîne alimentaire bordel ????

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