Elles tombent, mais il en reste encore. Des feuilles multicolores parsèment le sol et les arbres, grands hêtres centenaires dont la cîme semble tutoyer le ciel. Une belle forêt en automne. Des champignons un peu partout, mais je n’y connais rien alors j’abandonne ces petits trésors. Descendons un peu. J’entend la rivière dans presque toutes les directions, mais je ne la vois pas encore. A chaque bifurcation je met un petit signe à terre pour pouvoir retrouver mon chemin au retour. Et oui, le bois du Bager, gorge valonnée du Gave d’Ossau, est une forêt parsemée de multiples chemins qu’il est facile de confondre. Me voila enfin au bord de l’eau. Le Gave est bas et l’eau, limpide, a toujours cette inimitable couleur bleu turquoize. Je suis déja venu, mais le hasard des chemins m’a conduit en zone inconnue. Je remonte la berge et je tombe rapidement sur ce que je cherchais. Un couple de saumon adulte ondule sur sa frayère. Ils sont si proches que je distingue parfaitement le moindre détail de leur pigmentation. La frayère se situe en fin de lisse, contre la berge, là ou la lame d’eau s’accélère. Le substrat tout blanc atteste que ces poissons ont déja commencé a préparer le nid. Plusieurs truites assez modestes se situent à proximité. Je les effraie en voulant m’approcher d’avantage pour faire une photo. Dans aussi peu d’eau, ces grands poissons sont vraiment sur le qui vive. Je poursuis mon chemin en remontant la berge. Hélas, sur bien 300m la prospection est difficile et je ne suis pas récompensé, car le Gave passe ici sur de grandes veines de roches qui constituent l’essentiel du substrat : impropre à recevoir des frayères. Dés que les graviers réapparaissent je distingue une grande tâche blanche vers la berge d’en face. Plusieurs saumons adultes, environs 5 ou 6, tournent autour dans un balet magnifique. Je suis hélas trop loin pour espérer prendre la moindre photo. Un peu plus haut, je découvre une grande frayère située sur la bonne berge, la mienne. Il y a un seul saumon, accompagné de plusieurs truites assez jolies. Plus en amont, dans la partie profonde du pool, je devine des formes noires qui ondulent. Il y a là une petite dizaine de saumons de toutes tailles qui se reposent avant de rejoindre madame qui patiente sur son lit tout blanc. Une scène incroyablement paisible et évidente. Oublié le bouchon vaseux de l’Adour, oubliés les redoutables filets, les devons, les tube fly, les petites mouches noyées, les infernales passes à poisson. Oubliés les hommes qui, décidément, semblent tout faire pour les empêcher d’arriver jusque ici. Mais maintenant ils sont là. Ils vont se reproduire. Et ils vont mourir. Tout simplement. Certains ont déja des mycoses qui poussent au niveau du bec. Le temps s’accélère pour ces grands poissons. Je m’apprète à faire demi tour lentement pour ne pas les déranger quand j’entend un battement d’aile. Un cormoran s’envole. Nous ne nous étions pas vus, moi tout absorbé à ma contemplation, et lui à son oeuvre macabre. Pataud, il s’enfuit et, dans sa fuite, laisse échapper la truite d’environ 30 centimètres qu’il venait d’attraper et qu’il n’avait pas complètement avalé. Le petit cadavre coule en fueille morte dans le Gave et est emporté par le courant. Tout ceci me ramène brutalement à novembre 2004. L’environnement bousillé, Sarkozy à l’UMP, et la manif’ de protection des Ours à Oloron. Satané oiseau, tu aurais pu me laisser rêver encore un peu ! PS : passage également sur l’Aspe vers Escot. Aucun grand migrateur aperçu, quelques truites correctes. Si vous voulez voir des saumons, allez sur l’Ossau. Mais soyez discrets … sauf pour les cormorans.