La Jungle Auvergnate

20 juin 2017

15 - Cantal

Rhue

Juan


Sentinelle immobile, gardienne du sanctuaire ou mise en garde pour l’imprudent, l’aiguille émerge de la canopée et nous rappelle qu’en ces lieux nous ne sommes que des hommes…

Riche d’une expérience durement gagnée à la sueur de mon front et d’ailleurs, et après avoir failli perdre mon ami Jules sous un morceau de montagne, j’ai pris la décision de ne pas partir seul à la découverte de ce fond de vallée.

Petite jungle cantalienne, forêt primaire, vivante et hostile, doux euphémismes pour qualifier ces gorges où l’absence de sentier témoigne de l’inaccessibilité des lieux. Il me fallait trouver un partenaire souffrant de la même maladie que moi ou suffisamment inconscient pour accepter le périple.

C’est pourquoi lorsque mon ami Rik m’a appelé pour me signifier son envie de profiter de son pèlerinage annuel sur les Monts d’Auvergne pour passer une journée à la pêche avec moi, j’ai tout de suite répondu positivement et jeté mon dévolu sur cette rivière.

Motivés tous les deux pour profiter pleinement de ces trop rares instants passés ensemble au bord de l’eau, ajouté au fait que début juin est l’une des périodes fastes de la saison avec les journées les plus longues, nous nous sommes logiquement retrouvés dès potron-minet. Traduisez 8h autour du traditionnel café chaud. C’était mort pour le coup du matin…

Le temps de faire la route et de s’arrêter acheter du pain, il était bien 9h passée quand nous avons eu notre premier contact avec la rivière sur un pont en aval du parcours. L’épisode pluvieux des jours précédents avait fait son œuvre, la rivière était puissante et légèrement teintée.

A la vue des niveaux, j’expliquais à mon collègue d’un jour les différentes possibilités que nous avions, en dehors de prendre le risque de  s’aventurer dans cette vallée encaissée qui, d’après les cartes, n’offrait pas beaucoup d’issues et lui laissais le choix de la décision finale. Aussi, au risque de trouver des conditions un peu difficiles, Rik me prouvait que comme pour moi, l’idée d’évoluer dans un milieu peu fréquenté, synonyme en théorie d’une bonne densité de poisson, dont plusieurs espèces de salmonidés intéressantes pour les pêcheurs à la mouche, était suffisante pour ne pas avoir à réfléchir à un plan B. Nous avons donc pris la route des gorges…

Rik était avec moi quand 40 tonnes de cailloux ont failli régler définitivement l’avenir de Jules, peut être était-ce un signe…

Bref, quelques kilomètres plus tard ma voiture était positionnée à la sortie des gorges et nous rejoignions notre départ grâce à la sienne. Il ne nous restait plus que quelques centaines de mètres à parcourir à pieds et nous allions enfin pouvoir en découdre avec les poissons. Nous avons emprunté le chemin qui devait nous permettre de contourner la colline et de pénétrer dans la vallée proprement dire et puis le sentier s’est arrêté, nous abandonnant dans la pente, quelques dizaines de mètres au dessus du cours d’eau.

Laissant de côté le peu d’intelligence qui nous caractérise, nous avons poursuivi et finalement réussi à atteindre le bord de l’eau. Il faut souvent réaliser des approches aléatoires avant de s’apercevoir qu’il existe des accès plus aisés…

Dommage que cette rivière est barrée un peu plus haut, artificialisant son régime et polluant tout autant l’eau que notre imagination, car nous avons pu, Rik et moi, et l’espace de quelques instant, revenir quelques dizaines d’années, voire plusieurs siècles en arrière et pêcher une rivière vierge de toutes les agressions humaines tellement la nature environnante semblait sauvage et épargnée.

Rien que pour ça nous étions convaincus d’avoir fait le bon choix, tellement habitués à parcourir de vraies autoroutes le long des cours d’eau. Mais si pratiquer cette activité dans de telles conditions a quelque chose d’enivrant, il y a plusieurs contreparties. La première consiste en une progression ralentie par l’absence de chemin et par les quelques escalades improvisées et la deuxième, et non des moindre, est la légère tension causées par les très (trop) nombreux objets de toutes sortes descendus brutalement, sous l’influence notamment d’une gravité fortement accentuée par une pente proche de la verticale. Troncs d’arbres de toutes tailles, blocs rocheux voire pans entiers de montagne, cet endroit est vivant, magnifique et sûrement… dangereux…

Côté pêche, cette journée ne restera pas dans les annales. Pour Rik, qui vivait sa deuxième véritable session de pêche en nymphe en torrent de montagne, ce fût un peu compliqué mais les conditions n’étaient pas vraiment en sa faveur et il ne fait aucun doute qu’en situation normale il tirera son épingle du jeu. Ses dérives sont tout à fait correctes et avec des poissons un peu plus joueurs il fera des scores tout à fait honorables.

De mon côté, j’ai été un peu plus chanceux mais il fallait vraiment « porter » les nymphes jusqu’à la gueule des poissons. Il y avait pourtant de nombreux insectes, des « grandes drailles » aux mouches de mai, en passant par les inévitables sedges et « ecdyos » de saison, les poissons avaient le choix, mais les fortes pluies des jours précédents avaient vraisemblablement calé tout le monde et seule quelques truites ont succombé à mes imitations.

Mais était ce le plus important ? Je ne crois pas… nous avons passé un bon moment, dans un lieu superbe et impressionnant qui, sans être très éloigné de chez moi, n’avait jamais été le théâtre de mes occupations futiles et qui me reverra sans doute… mais si possible accompagné…

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