L'hiver a trainé sur le Jaur

22 mai 2013

34 - Hérault

Jaur

cérou

Un petit récit de ma fille, un autre regard… C'est toujours un peu difficile de raconter sa première fois. Ce n'est pas que l'on a peur d'être jugé. Non. En fait, on a du mal à trouver ses mots. On ne sait pas vraiment comment amener le récit de sa nouvelle expérience. Avant de commencer pour de vrai, je dois d'abord dire que ce n'est pas parce que je suis une petite chose plus habituée à affronter les flux et reflux du métro parisien que l'univers de la rivière m'est étranger. Lorsque l'on a un papa pêcheur le premier contact avec la pêche est quasi-intra-utérin. Pourtant, on n'est pas obligé d'enrichir ce premier contact d'une immersion aquatique en milieu sauvage. Mais, peut-être parce que j'ai été mesurée à côté d'une truite tout juste après ma naissance ou simplement parce que je voulais partager un moment avec l'être le plus cher, je me suis décidée vingt et un printemps plus tard à m'aventurer sur le lit sablonneux du Jaur… La citadine s'est ainsi retrouvée dans une paire de waders beaucoup trop grande pour elle à remonter les courants froids. – Sensation semblable à celle du cosmonaute foulant l'astre lunaire – L'on n'imagine pas la pression que peut exercer l'eau. Le pêcheur doit être robuste. Je sais que je dois me placer à gauche de mon père. Je lui laisse « le champ libre » en espérant qu'il me donnera ma chance. Ce n'est pas sa canne à pêche habituelle mais l'un de ses vieux modèles. Novice s'abstenir… Mais à voir son geste précis et évident, l'exercice paraît simple. Le froid s'empare lentement mais sûrement de mes jambes mais ce sournois ne sait pas que ce que je suis en train de vivre est bien plus important. Lorsque c'est à mon tour de lancer je ne suis plus la jeune femme fière et indépendante mais la petite fille en vacances avec son papa. La soie ne fouette pas l'air avec la grâce attendue, le mouvement de mon poignet est trop cassant et, rapidement, j'en viens à faire des noeuds sur la ligne et à pêcher les arbres de la berge. Mais nous sommes deux à en rire. Oui, la pêche est un art. Malgré mes gestes maladroits, j'espère sentir mon premier gobage. Je me vois même fabriquer de minuscules mouches en plombs de lavabo penchée sur mon bureau. Mais ce n'est pas pour tout de suite. J'admire le dernier lancé paternel et c'est déjà le moment de regagner la rive. Cette année l'hiver a traîné sur le Jaur.

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