Il est des après-midi calmes où parmi la neige des saules des ronds discrets se laissent deviner. Point de régularité, lorsque la brise se calme, le poisson remonte ou plutôt picore la surface. Au creux du crâne, un beat tellurique,la musique de Suicide ne me lâche pas et contraste avec ce cercle qui se meurt. Mon sedge est lancé, pesant flocon, juke box babe… Le miroir l’a aspiré et le fer planté, j’ai eu droit à un saut vertical puis la tension délicieuse entraine un peu de ligne dans le soleil du printemps. Une truite en pleine forme, au dos charnu. Par bonheur, les renoncules sont anémiques cette saison. Dans les arbres de la rive, un bruissement agité, les culs-verts frénétiques volètent, chaos ordonné. L’après-midi avance, Patricia m’a rejoint et surveille l’amont du courant. Un petit gobage de rien du tout me confiera-t-elle plus tard, sa canne encaisse et plie et de ma position en aval ça paraît du sérieux. Une longue fuite, des coups de tête sur le fond et l’unique moucheuse d’Argentat amène délicatement la bête à fleur d’eau. C’est à moi désormais que revient la tâche angoissante de caresser le ventre du poisson pour conclure. Rester calme car il n’y aura qu’une seule occasion. J’ai réussi, la truite est rendue, docile, si douce aux regards. Le soir venu, les phryganes s’abattent sur ma combinaison de pêche et des ronds lents et gras me sortent de mon immobilité mais je gâcherai l’offrande en ferrant trop tôt. Les flocons cendrés remontent serrés la rivière, c’est trop bien la pêche!