Saône : nouvelle espèce au compteur J’habite à quelques 50 mètres de la Saône. J’ai, depuis l’an dernier, pris cette habitude de pêcher les quais. Plus que du street fishing, c’est surtout pour moi l’occasion de redécouvrir ma rivière d’enfance. Y pêcher à la mouche m’a permis de retrouver le plaisir que j’avais perdu : celui de pêcher ma rivière, celle que j’ai toujours connue. J’y ai pris des centaines de poissons, mais canne à mouche en main, tout semble nouveau. Ce soir, en sortant du boulot, j’ai très envie de pêcher, mais pas de faire les kilomètres jusqu’à une première catégorie. D’autant que mon début de saison avec les truites est catastrophique. Une pêche sans prise de tête me fera du bien. Honnêtement, je me demande souvent quel plaisir je prends à pêcher là. L’eau y est souillée de détritus : vélo, chaises, barrière, cannettes, bouteilles et autres joyeusetés. L’eau y est souvent assez sale car elle reçoit les égouts de la ville. Et pour couronner le tout, dès que le soleil est dehors, les quais se couvrent de monde. Il faut alors supporter mes congénères. Il faut fermer les yeux sur ceux qui balancent tout dans l’eau, ceux qui prennent un malin plaisir à vous bousiller la bordure… Avez-vous déjà remarqué cet étrange phénomène ? Des centaines de promeneurs passent au bord de l’eau sans prêter attention à la rivière. Mais si vous vous mettez à regarder attentivement dans l’eau, alors vous verrez que beaucoup de gens s’arrêtent alors pour faire de même. La plupart du temps, ils ont le don de s’arrêter là où vous pêcher, où juste en face des poissons en maraudes… Il faut avoir beaucoup de patience. Mais le jeu en vaut la chandelle car le coin est très poissonneux. Brèmes, rotengles, tanches, carpes et d’énormes chevesnes habitent le coin. Pêcher à vue en Sâone est un défi: l’eau turbide ne permet pas de voir plus profond que 20 cm. Il est facile pour les poissons de se camoufler. En arrivant, le coin est noir de promeneurs. Si les poissons maraudent, ils restent loin. Et à chaque fois que j’attaque un coup, une personne vient me le gâcher. Je reste patient. Les poissons ne s’approchant pas, je ne peux les attaquer en nymphe à vue. Je noue une sèche pour peigner un peu le lent courant à une quinzaine de mètres du bord. Les poissons gobent peu sur Saône, sauf quand sort la manne. Mais ce n’est pas l’époque. L’eau sombre, les reflets, j’ai beaucoup de mal à voir ma mouche. Je l’envoie dans des zones où je vois souvent marauder de gros cheucheux. J’effectue beaucoup de lancers et de dérives avant mon premier ferrage du jour. Tout à coup, sans prévenir, près d’un nénuphar, ma mouche est gobée. Je ferre aussitôt. Le chevesne donne un gros coup de tête et fait une grosse chandelle et à la retombée, plus rien. Cassé. Les enfants qui me suivent depuis une demi-heure crient tout excités : « Waoh môssieur, vous z’avez vu ? Il était énorme ! C’était quoi ? C’était quoi ? ». C’est vrai qu’il était énorme ce cheucheu, vraiment énorme. Son envolée m’a permis de le voir entièrement. Un vrai missile sol air… Sans doute plus gros que mon record qui est à plus de 60 cm. Ma pointe était en 15°°, cela donne une idée du bébé. Je fais un ou deux petits chevesnes et rotengles et continue de visiter les quais. Mais c’est compliqué aujourd’hui. Les poissons sont toujours dérangés et sont sur leurs gardes. Ils n’approchent pas. Et quand ils le font, sont d’une méfiance qui me surprend. Certes, j’en ai déjà tapé un bon nombre ici depuis l’été dernier. Mais, s’éduquent-ils si vite qu’ils ne regardent pas les nymphes sur lesquelles ils se jetaient l’an dernier ? Un peu plus tard, je reviens sur le premier secteur. 1 ou 2 gobages percent la surface de temps en temps. Je mets une grosse sèche au bout de ma pointe. Plusieurs fois, je vois que ça remue dessous, mais ça ne gobe pas… Diable ! Mais qu’est-ce qu’ils ont ??? Un homme jette un bâton dans l’eau à 10 mètres de moi, suit son chien qui se jette au bouillon. Je tourne la tête, un peu agacé… Quand mes yeux reviennent sur la mouche, elle n’est plus là. Elle a disparu dans un remous énorme, dans un grand bruit de succion. Drôle de gobage… mais je ferre quand même. Là, c’est la grosse surprise. C’est un gros poisson. Quoi je ne sais pas, mais ça tabasse ! Il se tourne comme un Diable et file plein large. J’essaie de brider, il revient, se tourne, retourne et refile dans les nénuphars. C’est très gros, et ça a décidé d’en finir. Je bride mais il atteint les herbes et… clac. La canne pliée en deux, des rushes énormes. Je ne saurai jamais ce que c’était. Un très gros chevesne, ou une carpe… Elles gobent souvent ici. Quelle sensation ! Le soleil est déjà tombé bas sur l’horizon. Je suis à l’ombre, un peu moins exposé à la vue de poissons. En remontant le quai, je vois quelques remous en bordure. Ce sont des tanches. Je ne les croise pas pour la première fois ici. Mais, ces diablesses sont si craintives et si difficiles… Elles sont là, 5 ou 6 poissons à mâchouiller tout ce qu’elles trouvent au fond. Je m’approche assez près, surpris qu’elles ne s’enfuient pas. Je présente une première nymphe qui les laisse indifférentes. Je change pour une nymphe jaune, tête marron. Les 2 plus grosses s’approchent dans une zone sans nénuphar. C’est l’occasion. Quelques lancers sans résultats. Puis, je présente quelques centimètres bien en face de la plus grosse. Elle lève le nez et prend. Je la vois mâcher. Je ferre… Pendue ! Je m’attends à un gros rush, vu la taille du poisson. La tanche se secoue 2 fois et se couche sur le côté. Je la ramène sans qu’elle ne donne un coup de queue pour s’enfuir. Elle est belle, environ 40 centimètre. Je suis applaudit par quelques passants qui ont vu la scène. N’ayant pas pris mon apn, je fais une photo pourrie avec mon portable. Puis la bête repart, à toute allure. Etrange poisson ! De grosses brème s’approchent à leur tour. Deux lancers me sont nécessaires pour que la plus grosse vienne prendre ma nymphe. Pendue. Le combat est joli et dure quelques minutes. C’est une grosse pièce ! Je continue sur les tanches restantes. Mais elles sont devenues méfiantes tout à coup. Elles ne s’enfuient pas, mais ont visiblement compris que ma nymphe était à éviter. Une tanche un peu plus petite que ma prise traîne à ma droite, au milieu des nénuphars. Elle se cale entre 2 feuilles. J’ai 15 cm pour poser. Je dois faire vite, elle ne restera pas longtemps. Je pose bien. La tanche avance de 5 centimètres pour prendre. J’ai à peine le temps de ferrer, le démarrage est fulgurant. Une vraie torpille qui fend l’enchevêtrement d’herbes et de nénuphars. Elle part si vite que mon 15°° fait clac en moins d’une seconde. Dommage ! Quelle différence avec la première… C’est la fin de la partie de pêche. Une drôle de partie de pêche. Les gros étaient dehors. 2 énormes casses qui me laissent plein d’excitation. Une nouvelle espèce à ajouter au carnet de prises à la mouche : ma première tanche. Elle fut difficile à convaincre, mais le combat fut assez décevant. Une grosse brème ramenée. Je me suis fait plaisir, tout simplement. Pas de prise de tête, pas d’approche de sioux pendant 2 heures, de la pêche simple et plaisante, sur ma rivière d’enfance. Si en plus je l’avais trouvée propre et débarrassée des tonnes de détritus laissés par les passants, ça aurait été parfait. Ma patience ayant des limites, je m’accroche un peu avec des jeunes qui balancent paquets de chips et cannettes dans l’eau. Mes remarques leurs paraissent incongrues… Ben quoi ? On fait rien de mal, c’est déjà sale… Je ne sais pas si la conscience écologique progresse dans notre pays. Mais beaucoup de gens prennent encore les rivières pour des poubelles… J’enrage ! Article disponible sur mon blog : http://clema74.over-blog.fr/