Difficile de s’installer confortablement en berge, les entrelacs de racines dénudées par les éclusées rendent l’insertion du fessier ardue. Cette tache fluorescente de mousse est providentielle. Le tronc de ce chêne servira de dossier, les jambes peuvent s’étendre désormais. Je vais somnoler d’un œil, l’oreille alerte à la moindre rupture du fond sonore de l’onde proche. L’extrémité du fil est vierge, la soie bien au chaud dans la cage du moulin. Contrarié, le martin-pêcheur se baisse et se réhausse sur sa branchette puis file à fleur d’eau. J’ai dû m’assoupir vraiment…Il ne se passe rien, des ombrets attaquent de l’invisible au-delà des branches affleurantes. Des pêcheurs évoluent en face, j’entends leurs propos, je souris comme un niais. La chute d’un galet, je me tourne, une superbe limousine cornue vient boire. L’eau de la rivière, sa saveur inconnue… En amont de l’abreuvoir déserté, un poisson se signale silencieusement à plusieurs reprises. Je ne peux le pêcher de ma position allongée, je dois bouger, passer sous les fils de l’éleveur, entrer dans peu d’eau. Je noue une patouillante. Attente. Le poisson est tout près, il monte encore et n’a rien décelé. Il prend en confiance, l’hameçon accroche, le poisson est en condition, saute peu après en tentant la pleine eau. Une truite que j’aimerai reprendre avec une quinzaine de centimètres supplémentaires… Je reprendrai mon immobilité un peu plus amont pendant un long moment avant d’en revoir une autre à mes pieds. Je n’aurai été actif qu’une poignée de minutes lors de cette partie, une attente ponctuée de quelques lancers. Le temps d’un songe.