Les stridences des martinets cisaillent l'air tiède et lourd.
La veille, mes projets de coup du soir ont été anéantis par un orage et je suis revenu aujourd'hui malgré les gros nuages obstruant l'horizon.
Je regarde cet étroit couloir entre les herbes où des remous gras , silencieux se produisent. De temps à autre, un museau qui sort…
J'ai noué une espèce d'émergente informe que je dépose en m'appliquant. le museau ressort, happe, comme un » bleu » je tire un peu tôt et ne ressens qu'une légère résistance. Manquée…
Le temps de récupérer la mouche en main, la truite s'est remise à se nourrir comme si de rien n'était.
Autre mouche, toujours dans le genre patouillant, autres lancers, sans succès au milieu des remous provocants.
Changement de taille, bien plus charnue et là, je la vois vraiment bien descendre lentement . Le nez surgit, instant, tirage et la ligne se tend. Une fuite lourde vers l'aval et le temps de m'extraire à mon tour des herbes, tout est à redouter. Surtout désormais à proximité de la surface, ces sursauts, cette ligne tendue.
Mes craintes se concrétisent et je récupère ma mouche en ayant entre-aperçu le poisson…
Plus amont, je capture deux truites bien modestes, mes pensées accrochées à l'instant précédent.
Des phryganes ocre émergent et sautillent maintenant par dizaines sur les courants. A l'aval, dans mon champ visuel, un remous huileux non loin de celui de cette grosse roche immergée. Un sedge émergent encore plus charnu en pointe que je passe et repasse dans la zone. Le poisson chasse et circule, je viens de le revoir prendre sous l'eau.
Un remous de nouveau, je tends pour voir et c'est pour moi. Contact ferme et pesant avec de bons coups de tête. Je passe le plus vite possible en aval du poisson et je parviens à éviter sa fuite dans les renoncules.
Dans l'eau noire, je devine une gueule blanche et à la première occasion, ma filoche emmaillote la cliente.
Le temps s'écoule, tout se calme.
Dans la nuit tombante, je quitte la rivière, souriant.