Perseverare Diabolicum !

30 avril 2014

39 - Jura

Bienne

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Si cette citation est vraie, alors nous qui étions déjà pêcheurs sommes en plus tous les créatures du malin ! Car oui, par delà nos différences, s'il y a bien un point commun qui nous rapproche c'est cet entêtement, cet aveuglément, ce refus des réalités de la météo, qui nous pousse à rester au bord de l'eau quand le bon sens voudrait que nous rentrions au doux foyer où le feu crépite, le chat ronronne et la femme est aimante… Mais non ! non !! non !!! l'aiguillon du démon nous fait battre la rive sous des trombes d'eau, oublieux de tout, tendus vers un seul but, le gobage qui perce la surface et nous fait entrevoir une fraction de seconde le paradis qui nous fera échapper un temps au feu qui nous ronge et nous consume, nous dévorant l'âme…

Allez mes frères, je m'en vais vous compter une histoire qui témoigne bien de la marque de la bête sur mon jugement.

Mardi soir, je souris en mon for intérieur, la Bienne est à 18 mcubes, un peu de pluie est annoncée, léger vent d'ouest, bref ça sent le gobage gras pour le lendemain !! Je me frotte les mains en pensant que je suis en congés et que tant d'autres seront au boulot à rêver des truites que moi je prendrais par dizaines…. (si déjà une pensée si vilaine n'est pas l’œuvre de Satan en personne …)

Le lendemain, me voilà roulant sur cette fameuse ligne droite que tant de pêcheurs de la Bienne connaissent. Les yeux rivés au paysage, je me dis qu'un truc cloche, la montagne pleure au sens propre. Comme rarement j'ai vu sur ce secteur la grosse éponge karstique lâche son eau en centaines de filets, cascadettes et ruisselets qui strient la montagne.

Je me rends sur un secteur que je souhaitais découvrir. Accès compliqué par une sente pentue et glissante, la mousse des arbres regorgeant sur moi la pluie de la nuit.

Je tombe sur une bordure superbe où déjà les grises à corps jaunes défilent en rangs clairsemés, la rivière est un peu piquée, mais je suis toujours confiant… Pendant une heure j'observe, mais pas un museau ne vient fendre le flot qui se teinte de plus en plus… Conscient de la montée des eaux, et sachant que le Tacon qui abreuve la Bienne à Saint-Claude (Saint Glauque pour ceux qui connaissent) a tendance à monter très vite je me véhicule au dessus de la capitale de la pipe non sans une énième pensée grivoise à l'attention des habitantes de la cité jurassienne (encore une pensée impie !). A l'aval de la confluence, l'eau est maintenant presque grise.

Me voici sur un secteur qui me trahit rarement. J'attends, mangeant lentement mon frugal repas (deux œufs et une pomme) en fixant les mouches qui frôlent les postes à truites sans jamais être arrêtées dans leurs courses folles vers l'aval… La rivière est haute, mais je l'ai déjà pêchée (alors qu'elle baissait) à pareil niveau. Les averses, froides, glacées, se succèdent, je fais le dos rond, frigorifié malgré les épaisseurs. Alors que la matinée était douce, la température de ce début d'après-midi dégringole et surtout, mes repères sur la berge me montre que la rivière monte, et plutôt vite…

Je m'accroche, essuie les grains comme un matelot s'agrippe au bastingage, les yeux toujours rivés sur l'endroit où ça devrait arriver. Mais il faut se rendre à l'évidence, c'est plié pour aujourd'hui.? J'attends que la montagne s'ébroue dans un grand nuage de vapeur qui remonte de la forêt pour prendre la même direction, quittant à regret la rivière. Mais dans la voiture, réchauffé, je refuse l'évidence et remonte la rivière, malgré le niveau d'essence au plus bas. Je saute les gorges accessibles seulement à pied pour me rendre au no-kill urbain de Morez.

Pour planter le décor, c'est un parcours urbain,avec son lot de tuyaux crachant on ne sait quoi dans l'eau, ses murs de béton de part et d'autre et ses objets flottants qu'on préfère ne pas identifier. En plus Morez est une ville triste encaissée dans une vallée lugubre… Ici la Bienne est un torrent, la rivière est haute, très haute, mais claire.

Une seule technique peut prévaloir, la nymphe lourde sous la canne. Peu coutumier de cette pratique, je m'en sors quand même avec cinq poissons dont un très beau… Je suis trempé, enrhumé, mais heureux d'avoir vaincu le sort…

Perseverare Diabolicum, certes, mais à chaque lourdeur ressentie dans le bras suivie des coups de tête rageurs de la truite j'ai aussi entrevu mon petit coin de paradis.

Allez en paix au bord de l'eau mes frères, je vous souhaite d'y trouver ce que vous cherchez, mais ensuite remettez le poisson à l'eau pour qu'il se multiplie non par l'effet de quelque magie mais par le simple miracle de la reproduction et que vos frères connaissent aussi la même paix intérieure, trop brève, mais tellement jouissive …

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