Très belle lumière sur les châtaigniers en ce début d’après-midi. Les vannes des retenues sont ouvertes, des vaguelettes viennent clapoter sous les aulnes. Je traverse plusieurs pâturages, glânant quelques noix au gré des sentes, une bande de broutards roux accourt aux barbelés puis, dès mon intrusion dans leur domaine, détalent faisant trembler la terre… La voici cette modeste couasne, un courant ralenti y entre, au gré des remous du flot principal. Un peu de bois mort, plutôt profonde et sombre, je la traversais avec de l’eau à la ceinture il y a de ça moins de deux semaines… Un ruban synthétique blanc la coupe plein travers, la frontière des broutards… L’ablette artificielle s’enfonce lentement et reste visible, elle palpite, s’enfle et pique du nez à chaque retenue. Je peux l’animer à l’arrêt, je m’amuse à la poser dans tous les recoins de l’abreuvoir. La frontière blanche, surtout, mais gare aux fibres artificielles, elles ne rendent pas les hameçons… J’allonge encore, je laisse la soie descendre. Les eaux sont claires, le plumeau se distingue toujours sur le fond noir. Tirées saccadées vers le ciel puis spasme d’agonie, une gueule surgit, heurte et engouffre. Un gros triton crêté sans les pattes. D’ailleurs, il louvoie, telle une couleuvre de l’été, sur l’herbe pour l’eau si froide, si proche. Les bêtes à cornes se sont rapprochées, je leur laisse la buvette. Que c’était bon…ce p’tit soleil dans l’échine.