Comme chez vous peut-être, ici il a plu mais les rivières sont restées basses, à croire que la terre a pris pour elle tout ce qui lui manquait. Au bout du bout de la Montagne Noire, l’hiver recule dans les vallons les plus sombres et remonte lentement le long du versant nord. Sur le plateau en face, il n’y a pas une seule trace de vert tendre et les ruisseaux traînent leur tristesse sous les hampes de sapins toujours plus envahissants. Il n’y a qu’à aller visiter le pendant méditerranéen, avec l’espoir que la rivière sera plus riante. Il y a bien quelques mouches sur le Jaur, au moment le moins froid de la journée, mais les bourrasques de tramontane se succèdent. L’eau est basse ici aussi, une algue brune s’accroche aux galets : il n’y a pas eu de grand lavage cet hiver. La chute d’une brindille, un gobage qui s’estompe, peut-être… c’est l’occasion d’étirer la soie toute neuve que fait un copain du site et qu’il m’a offerte, il y a des mois de cela. Je lui avais promis de m’en servir à la première occasion mais ce n’est pas forcément l’idéal avec ce vent ! La naturelle est belle, mais très raide encore. Dans la main gauche, les spires conservent leur courbure têtue. Pourtant la canne se charge parfaitement et le posé est très correct. Deuxième lancer et ça monte violemment : ce poisson vient de baptiser une soie qui va beaucoup servir. Quelques mouches encore, deux ou trois autres poissons de petite taille. Lumière vive et nuages blancs qui filent. Déjà, de l’autre côté, la menace grisâtre s’accroche aux sommets arrondis… Devant la cheminée, près des affaires qui sèchent et fument un peu, la soie s’étale en boucles de plus en plus larges sur le papier journal. Graissée, rembobinée, regraissée et assouplie, bientôt domptée… Merci Stephan.