Quitter la route principale, s’engager sur une piste de terre. Apercevoir la rivière brillante. S’extraire du siège, se déplier la carcasse. Le sourire aux lèvres, les brins de la canne scintillent au soleil. Il fait si bon, l’excitation monte. Allons voir de plus près cette rivière inconnue, bordée de grands platanes et de peupliers… Un long lisse se termine parmi des blocs pâles, l’eau devient plus rapide. Les fonds sont sombres, tapissés d’algues brunes se délitant sous mes pas. Chacun d’eux est périlleux, la sensation de marcher sur des savonnettes encore humides. La rançon des élevages hors-sol aperçus non loin et de l’immobilier florissant. Tout cela disparaît à la vue des marsouinages en amont, surtout l’un d’eux, un dos sombre et une pointe de caudale, un beau poisson… Quelques chironomes blanchâtres microscopiques mais aussi des subimagos olive aux ailes fumées apparaissent. Aucun n’est aspiré par les truites qui continuent à prendre sous la surface dans des remous visqueux. L’oreille de lièvre reste ignorée mais en la salivant un peu ? Rapidement, la glace est rompue et la canne plie sous la fuite du poisson. Je n’en mène pas large, mon dix centièmes et mon poignet grippé par l’abstinence. Quelques taillis de saules griffant l’eau sur la berge opposée où la truite cherche à se fourrer et mon peu de mobilité risquent d’abréger l’action délicieuse. Le sort m’est favorable, la truite aux points noirs dans la filoche. Essayons ses copines poursuivant leurs marsouinages, avec le même procédé, la nymphe de surface du grand ancêtre, l’inestimable G.E.M Skues. Je passerai ainsi de bons moments avec plusieurs arco iris replettes, aux démarrages irrésistibles bien que certaines arborent des pectorales douteuses… Ce parcours, un « intensivo sense mort » réservé aux pêcheurs au fouet offre à ceux que l’ouverture fait languir une alternative à la pêche en eaux closes. La rivière, malgré ses outrages, est là.