L’épaule endolorie, je dispense mon cours sur la réponse immunitaire induite par la présence du VIH dans l’organisme à des élèves studieux qui comme moi ont encore sans doute la tête un peu en vacances. Mes pensées sont ailleurs car la vraie reprise, celle de l’apprentissage de la pêche au streamer, c’était hier avec l’ouverture du carnassier. Et je n’ai pas encore eu réellement le temps de débriffer. Comme à chaque fois que je noue un streamer à mon bas de ligne, je me demande par quel miracle cette artificielle faite de plumes et de poils pourra réussir à séduire ces truites sauvages qui ont déjà subi la procession de bateaux depuis le lever du jour. Il est 13 heures et de nouvelles embarcations chargées de deux ou trois pêcheurs mitraillant les postes à coup de poissons nageurs, cuillères ou vairon manié dérivent à quelques mètres de nous. Cela fait plaisir de voir tant de pêcheurs sur les bords de l’eau. On pourrait se croire sur certains parcours US où les bateaux défilent sauf qu’ici, la plupart des pêcheurs gardent leurs prises. Peu importe il faut se concentrer et provoquer les miracles. Avec application, malgré des conditions assez peu favorables (grand soleil, niveau faible, abondance de la bourre de peuplier, postes très pêchés…) je peigne mécaniquement les endroits qui me semblent les plus favorables. En vain… Jusqu’au premier miracle. Une touche fatale qui ne me satisfait qu’à moitié. Le poisson a pris à la descente du streamer et lorsque j’ai repris contact, il était déjà au bout. Bref, c’est la première de la saison, on ne va pas faire la fine bouche. Puis, comme à chaque fois que les heures s’enchainent sans touche, le doute s’installe. Ca bouillonne dans ma tête. Pourquoi ça ne marche pas? Remise en cause, changement de technique et de mouche et ça repart de manière plus convaincante. Le deuxième miracle me fait presque plus plaisir que le premier. Une touche violente, brutale qui me prend la soie au contact mais qui n’est pas « solid ». Néanmoins son coté provoqué me ravi. Je suis allé cherché le poisson et cette touche ne doit rien au hasard. Le poste suivant me le confirme. Alors que je rêvasse une lourdeur qui se contorsionne sous l’eau finit par se décrocher. Confiant dans mes choix, je finirai cette ouverture par un poisson combatif qui m’a pris de manière assez prévisible. Le chemin sera encore long mais l’apprentissage se poursuit.