Depuis le début de la saison je ne m’étais pas beaucoup intéressé aux ombres leur préférant dame fario. Le déclic s’est fait hier soir un peu par hasard. Vendredi, avec mon pote Serge on avait arpenté un nouveau secteur et il avait cassé un hameçon sur ce qui semblait être un gros ombre. Ne pouvant pas m’accompagner cette fois c’est seul que je retournais sur les lieux de ce demi-échec. Le soleil était encore bien haut et le premier poisson vu était une truite qui s’est vite éclipsée effrayée par l’ombre de la soie. Un peu plus haut dans un contre courant, à l’ombre d’un saule, une silhouette gisait au fond, cette fois c’était bien un ombre. Il prit la première petite nymphe brillante qu’il lui passait à sa portée mais le ferrage ne fut pas assez prompte, habitué encore à la lenteur des mandibules des truites. La deuxième nymphe, terne cette fois ci, le fera sortir de son repère. Ils sont vraiment beaux ces poissons sombres auréolés de cette dorsale chatoyante, j’en avais oublié leur élégance. Les secteurs au soleil étaient vides mais dès que l’ombre côtoyait l’onde cette dernière s’animait de minuscules ronds. Cette fois c’était des truites qui étaient à table sur d’aussi minuscules éphémères. Il fallut allonger la pointe, réduite le diamètre du bas de ligne et descendre en taille d’hameçon pour apercevoir quelques unes de ces petites furies. Plus haut la rivière s’approfondissait, je ne rêvais pas, une petite dizaine de becs perçaient la surface. J’avais l’impression d’être devant un ban de vandoise. Il était difficile de distinguer l’artificielle parmi toutes les mouches qui dérivaient. Pensant que le subterfuge n’avait pas eu de succès je retire la ligne, et là surprise un bel ombre était au bout, il avait la pêche et se défendait comme un beau diable mais le ligne se détendit à 50 cm de l’épuisette. Évidement dans son élan la mouche s’est accrochée dans les branches au dessus et elle y est restée. Je remet une pointe et accroche une nouvelle artificielle,lève la tête pour relancer mais là il n’y a plus rien. Comme par magie (noire!!!) les ronds ont disparus. Saperlipopette c’est quand même pas les contorsions du poisson qui ont fait fuir tout le monde? Pour m’en convaincre j’essaye en nymphe, un ombre a visité tout de même le fond de l’épuisette, un lot de consolation somme toute vu le nombre de poissons qui étaient présents quelques minutes plus tôt. Le soleil avait bien décliné et la pénombre gagnait petit à petit l’atmosphère, les ombres s’étaient mélangés à la lumière. Plus de gobage à l’horizon mais il serait dommage de ne pas explorer ce très joli courant à l’aide de nymphes lourdes. Bien m’en a pris, à chaque coulée mes petites enclumes étaient interceptées par des coups de museau rageur. Pratiquement que des gros poissons qui offraient une défense toute en puissance aidés par leur dorsale qui barrait le courant au risque de rompre la ligne. C’était fait, j’étais passé définitivement à l’ombre…
