Soca, Idrijca, Nadiza, Baca, Bela… 3 au 10 Août 2007. Après un séjour touristique en Autriche sous un soleil de plomb, je quitte Innsbrück jeudi matin sous la pluie. Déjà une petite inquiétude me traverse l’esprit, mais je me raisonne, la Slovénie est à plus de trois cents kilomètres, le temps n’y est pas forcément le même qu’ici… Quelques kilomètres d’autoroute vers l’est et je quitte cette voie rapide pour une petite nationale sinueuse dans la campagne vallonnée. Je prends place dans un interminable convoi de voitures qui suivent sans pouvoir les dépasser quelques poids lourds ou engins agricoles ; il pleut toujours autant et je roule au mieux à cinquante kilomètres/heure… Après quelques heures de route, je passe en Italie, la pluie redouble, la circulation devient plus difficile, les routes deviennent cahoteuses ; les villages traversés semblent misérables, rien à voir avec les chalets de bois du Tyrol autrichien… La frontière slovène : passeport ; bien que la Slovénie fasse partie de l’Europe, le GPS affiche écran noir, les rares panneaux de signalisation deviennent incompréhensibles, et toujours la pluie ; le moral, comme la route vers Bovec et Kobarid prend une pente descendante ; les automobilistes slovènes roulent à toute allure ; sur le bord de la route fleurissent les panneaux proposant « raft, kayak, canoë… » des mots que comprennent bien les pêcheurs à la mouche ; tout au fond de la vallée, j’aperçois par instants la rivière, sans pouvoir juger de son état. Après six heures de route, voici Kobarid, gros bourg des années cinquante. L’hôtel majestueux est au centre de la ville ; bien en évidence, ses quatre étoiles…slovènes. Formalités, je reçois les permis que le voyagiste m’a fait préparer pour les six jours – 50 € par jour – …Chambre propre, lit confortable, fauteuil en plastique et téléviseur antique, douche au bac ébréché et au rideau trop court ; mais je viens pour pêcher et la pluie s’est arrêtée. Un rapide tour « en ville », leS voitures semblent avoir été garées n’importe où ; il faut dire qu’il n’y a pratiquement pas de trottoirs, le piéton que je suis redevenu se montre méfiant. Quelques magasins classiques, quelques « boutiques » diverses, maisons particulières dont la fenêtre fait office de vitrine, un musée à l’entrée gardée par un canon, puis un petit « supermarché » qui me fait penser aux « Leclerc » des débuts, épicerie imbriquée dans le rayon lessive… Et pour finir coup d’œil sur la Soca… comme je le redoutais, des bouillons énormes, l’eau est couleur lait-menthe, rafts et kayaks y tourbillonnent à qui mieux-mieux. Le dossier remis par le voyagiste signale que des affluents de la Soca demeurent pêchables ; comme il n’y a aucune chance que le niveau de la Soca redevienne normal en une nuit, j’irai donc demain tenter ma chance sur ces affluents. A table. Le restaurant dont les murs sont plaqués de panneaux de bois me donne l’impression d’une salle de congrès d’une ancienne république populaire. De très nombreux convives sont installés : italiens volubiles, britanniques pas du tout « british », pêcheurs français très français…La nourriture est parfaite ; le serveur, empressé et pressé, me confirme les noms des rivières qui seront pêchables demain et me propose de préparer un pique-nique pour le lendemain midi. L’orage a grondé toute la nuit, et au matin… il pleut ! Petit-déjeuner copieux, j’emporte le pique-nique et en route pour la Nadiza, le plus proche et le plus accessible des affluents. Rivière assez large mais très peu profonde, la plupart du temps j’ai de l’eau entre les chevilles et les genoux ; l’eau est d’une limpidité parfaite mais il pleut toujours : sur la matinée je prends une dizaine de petites truites et ombrets. Visite des autres rivières réputées insensibles aux orages : Bela, Trebuscica, Ucja, Tomlinka… les eaux sont parfaitement claires et je prendrai encore une dizaine de petits poissons. Le soir, la pluie cesse ; il n’y aura plus que quelques averses passagères jusqu’à la fin de mon séjour mais le ciel restera plutôt couvert. Malgré tout, la Soca ne sera pas en état avant le quatrième jour. D’ici là, je tourne sur les rivières du début de séjour ; leur niveau a baissé mais elles sont toujours aussi claires. J’abandonne la Nadiza, car s’il ne pleut plus, un vent fort s’engouffre dans la vallée et rend les poser aléatoires, la pêche devient pénible. Les grosses truites aperçues depuis les ponts sur l’Idrijca ou la Baca sont parfaitement indifférentes aux nombreuses nymphes que je leur présente. En pêchant les postes et les bordures, je parviens à prendre une dizaine de petits poissons par demi journée. En changeant plusieurs fois de rivière, je parcours quotidiennement soixante à soixante-dix kilomètres sur des routes qui ne sont souvent que d’étroits chemins, pas toujours signalés, régulièrement entrecoupés de secteurs gravillonnés qui me font croire que je me suis égaré . Pour les trois derniers jours, la Soca retrouve enfin un niveau normal. L’eau est vraiment de la couleur émeraude des cartes postales… mais comment approcher les berges en voiture ? Le GPS est muet, la carte routière fournie par le voyagiste est à trop grande échelle, les chemins ni les parkings n’y sont indiqués, celle qui est affichée dans le hall de l’hôtel doit y rester. Une carte d’état major est indispensable (voir à la station service de Kobarid). Il faut se lancer au hasard et s’engager sur des chemins incertains, plus ou moins gravillonnés pour accéder à une plage superbe ou déboucher dans un cul de sac… Après maints tâtonnements, le hasard, la chance ou la persévérance me permettront quand même de « découvrir » plusieurs secteurs où je parviendrai à pêcher avec bonheur ; entre Kobarid et Tolmin (juste en aval du pont du camping de Volarje rive droite, ou sur la carrière de Kamno rive gauche par exemple) je surprendrai de superbes ombres dorés et quelques très belles arcs les deux derniers jours. Les kayaks redoutés n’ont pas été gênants, leurs activités cessent vers dix-huit heures et les quelques plagistes rencontrés ont renoncé à barboter dans l’eau trop fraîche pour la baignade. Au retour de ce voyage, le bilan est mitigé. Bien sûr, j’ai pu pêcher tous les jours ; les parcours de repli étaient praticables même après plusieurs jours de pluie continue. La Soca est une rivière superbe, la transparence et la couleur de l’eau sont tout à fait étonnantes quand elle est à son niveau normal. Les pêcheurs sont rares, et contrairement à ce qu’affirment certains, les poissons nombreux ne se jettent pas sur tout ce qui flotte. Je regrette seulement l’impression de n’avoir pas pu ou su exploiter totalement la richesse de ce parcours, d’avoir passé trop de temps à rechercher des accès à la rivière, encore me suis-je limité à la partie la moins accidentée entre Kobarid et Tolmin. Bien sûr, j’aurais pu prendre un guide…mais… j’aurais aimé au moins recevoir un plan sommaire avec l’indication des chemins menant à la rivière, des emplacements de parking et des secteurs favorables ainsi que le font la plupart des hôteliers autrichiens, quand ils ne vous accompagnent pas eux-mêmes sur leur parcours pour vous montrer ces points essentiels.