lové entre deux rochers je refais calmement ma pointe. sous 80 centimètres d'eau claire la masse sombre ondule. 5 ans que je n'ai pas lancé avec cette 9 pieds soie de 4. En revers, fébrilement mon bras envoie la petite fourmi 60 centimètres trop à gauche de la panthère. Soudain, comme un taureau de Miura qui croise les premiers coureurs d'un enciero, la truite tourne la tête. A vitesse mesurée elle se positionne sous la mouche. Tout en gagnant la surface et l'observe sous toutes les coutures. Suspendue à mi-chemin elle distord le temps le rendant infiniment plus long. Intéressée elle poursuit l'observation plus en avant. Désormais à 20 cm sous la mouche, elle hésite. Tordue, d'un oeil puis de l'autre elle suspend un peu plus le temps. Puis, calmement elle finit par basculer à l'horizontale, pour gagner la surface et engloutir le leurre perfide. Le temps n' est pas linéaire. Il me faudra patienter encore deux instant infinis avant de lâcher le ferrage volontairement retenu. Condamné à l'exploit en raison de la taille de l'hameçon, je la sortirai une première fois de sa fosse. Mais le deuxième rush sera fatal : hameçon ouvert. Touriste!!! Le reste de cette soirée trop courte, sabotée par une soie qui coule ne sera qu'une succession de rencontres très improbables entre des mouches invisibles et des poissons sur-éduqués. Peu importe cette truite suspendue m'a renvoyé à l'essence de la pêche à la mouche : une truite, une mouche, un combat. Des choses simples mais essentielles qu'on a tendance à oublier. Fred