Une Ouverture de rêve Cela y est, ce moment tant attendu est enfin arrivé. Afin d’affronter la dure mais belle journée qui m’attends j’ai pris un copieux petit déjeuné. Les croissants achetés par ma femme quelques minutes avant à la boulangerie du village ont un goût de paradis. La canne à mouche montée hier m’attend sur le haut de l’armoire. Les gobages aperçus la veille, ne laissaient aucun doute, les March Brown sont déjà arrivées et une imitation flotte déjà au bout du bas de ligne. Un petit effort pour enfiler mes wadders, prendre mon nouveau chest pack et faire les quelques centaines de mètres qui me sépare de la rivière et me voilà au bord de l’eau. L’eau limpide, un peu haute lèche les berges recouvertes encore d’une fine pellicule de givre. De fines fumerolles montent de l’onde et indiquent que l’atmosphère se réchauffe. Le ciel d’un bleu pâle légèrement voilé annonce un temps agréable mais pas trop, juste ce qu’il faut pour déclencher quelques éclosions. Et puis il y ce chant d’oiseau, ce « bip-bip » qui retentit dans ma tête me rappel que le printemps n’est plus bien loin, la nature se réveille. Pour l’instant pas de trace de pêcheurs, je suis seul à profiter de ce spectacle. Pas de gobages non plus, je vais donc attaquer en nymphe au fil. Les quelques courants prospectés ne m’offrent aucune touche, puis au détour d’un méandre, au bout de ce lisse, au ras de la berge, j’ai vu ce petit rond. Pas bien gros peut-être une goutte de rosée tombée du buisson surplombant ce miroir humide. Dans le doute, je remets une sèche. Je m’applique à faire ce fameux lancer linéaire qui m’a donné tant de mal pour l’apprendre, ma Winston réagit parfaitement et dépose la fausse éphémère comme un baisé quelques dizaines de centimètre en amont du présumé gobage. Ce premier passage fût le bon, comme dans un ralentit de Tarantino, les quelques fibres de cul de canard disparaissent, aspirés par une bouche géante. Je fais un ferrage légèrement retardé, la belle est au bout et me secoue le bras comme un prunier. J’attends alors ma femme qui me dit « aller, réveille toi, tu n’as pas entendu le réveil, tes potes sont déjà là et t’attendent pour l’ouverture » en tenant ce bras au bout du quel il y a cette main crispée sur une poignée de liège qui n’existe pas. Juste le temps de m’habiller et de prendre un café sur le pouce, je sorts et vois la file de voitures déjà garées au bord de la rivière qui charrie une eau marron gonflée par les pluies récentes. Les vers de terre se tortillent au bout des cannes des pêcheurs au toc alignés les un à côté des autres. Une truite vole au dessus du buisson, où j’avais vu ce gobage cette nuit. Atterri sur l’herbe brûlée par le froid, un pouce s’enfonce dans sa bouche, le « crack » de sa nuque cassée par ces mains meurtrière résonne dans ma tête et me ramène à la dure réalité de l’ouverture de la pêche à la truite…