Lorsque j'arrive au bord de la rivière, je vois immédiatement le petit faucon émerillon qui survole le grand courant. Ses brefs coups d'ailes puis sa descente coulée à fleur d'eau sont pour moi un augure favorable. S'il est là, c'est qu'il trouve pitance. De petits points jaunes, des sulphures, naissent et s'envolent et l'oiseau doit les prendre car il s'écarte brusquement de sa trajectoire, reste suspendu comme une bergeronnette géante. La rivière laisse entrevoir ses herbiers sous les bancs de brume. Je m'immerge dans cette ouate liquide et je décide de m'approcher des profonds. La surface charrie plusieurs espèces de mouches et de nombreuses exuvies de phryganes… De beaux remous à bulles captent mon attention. Du beau poisson est dehors et s'alimente. Le seul bémol, c'est l'insuccès complet de toutes les artificielles proposées…. Je lorgne les rangées de l'accroche-mouches et les modèles d'émergentes les plus récents. L'un d'eux, frais monté, mérite l'essai sur ce poisson actif à deux longueurs de canne. Son impact sur l'eau me renseigne sur sa position et après plusieurs remous bulleux, je décide de me lancer. Au premier passage, nouvelle turbulence, je ferre assez sec, mes coudes ont pris l'eau fraîche. Fuite puissante dans les herbes du fond et la canne inclinée, je contre l'enfouissement fatal. Rien n'est gagné car c'est la fuite immédiate vers les vergnes de la berge. Des deux mains, bras levés, je tire et j'appuie en songeant à mon brin de 12 centièmes rabouté une demi-heure auparavant. Il tient bon lui aussi. J'accompagne avec fermeté vers l'aval tout en cherchant une lame d'eau moins rapide pour le filetage si je parviens à calmer l'animal. La brume rend la scène improbable comme dans un rêve, … de pêcheur. C'est une truite en pleine forme que j'emmaillote dans mon épuisette après cette explication éprouvante pour nous deux. Elle regagne les renoncules rageusement… Un autre remous à bulles attire mon regard, je garde ma mouche…
