Via aurea , ou le chemin de l’or… Pourtant, pas la moindre paillette brillante pour attirer l’œil, au contraire les fonds schisteux très sombres font de la rivière une route peu lisible dans l’ombre des grands feuillus qui la bordent. Pour moi, la couleur que j’ai en tête, c’est le bronze de ses poissons, les barbeaux puissants qui se plaquent sur les fonds rocheux, nageoires étalées, repère orangé. Il y en a qui viennent dans le courant mais laissent passer la nymphe, aucun intérêt pour la bouchée potentielle qui passe à portée. Je décide de tenter en dérive ceux qui patientent sûrement un peu en contrebas là où le profond masque leur présence. Deux leurres resteront coincés dans les galets, mais le troisième arrêt sera provoqué par l’un des grands poissons. La défense est lourde mais ne dure pas trop, j’amène maître barbu prendre une goulée d’air. Je vois bien le bibi fiché à la commissure des lèvres charnues : tant mieux, j’ai toujours peur en pêchant à l’aveugle de piquer par raccroc une pectorale planante. Le Viaur est l’une des rivières où je suis né à la pêche, c’est dans le secteur celle qui a le moins changé. Pas de ville traversée, aucune route ne suit son cours au fond de la vallée, et pourtant il y a peu de beaux poissons à tenter. Beaucoup de chaussées où l’eau s’arrête, des portions libres que l’étiage maltraite… Mais je reviens toujours, m’imprègne des vieux noms d’ici. Je ne demande, année après année, qu’à retrouver un peu de l’or perdu, cette insouciance du gamin qui cherchait les goujons sur les fonds clairs de sable et que les premiers gobages des « cabotils » commençaient à fasciner. Alors, Via Aurea, rendez-vous au prochain été, quelques jours encore, quelques années j’espère.
