Le ciel se tait, la pluie a cessé. La rivière lèche encore les troncs des arbres rivulaires. Les nuages tropicaux laissent voir du bleu. J’ai envie, j’ai envie de… Je pourrai remonter cette bordure et si je trébuche, je saisirai une branche. Une mouche bien visible qui se fera remarquer au poser, un bas de ligne court sans fioritures pour explorer tous les recoins de racines, les creux, les baies sableuses sous les feuilles vertes. Une bonne longueur de canne pour la ligne sortie, la main gauche écartant les ramures, je commence ma remontée. Quelques pas suffisent pour percevoir dans chaque jambe du pantalon des gouttelettes s’infiltrer, calmant soudainement mes ardeurs. Une nouvelle anse à proximité du courant puissant, la mouche touche l’eau, la truite vient et prend doucement. Mon fil est fort et ce rameau sec où tu m’entortilles ne te suffira pas pour te libérer. Mes chaussettes sont maintenant deux éponges, si ce n’était le flot, j’entendrai presque leur gargouillis à chaque pas. J’ai même un peu froid. Une bullée à quelques mètres, elle a pris comme un poisson qui a oublié les pêcheurs en sèche… Puis une autre encore, devant cette pierre rousse. J’ai voulu te faire glisser jusqu’à moi mais l’hameçon n’a pas tenu, je n’aurai ressenti que tes soubresauts nerveux. Je n’aurai exploré, ce soir, que les calmes, les ralentis, les remous moribonds, certains m’auront offert bien du plaisir… C’est bien la pêche, surtout après une abstinence forcée…