Trois réservoirs auvergnats… Pour cadeau d’anniversaire, mon épouse m’avait proposé de m’offrir un séjour de pêche en un lieu de mon choix, tout en restant raisonnable. Quel moucheur aurait refusé une telle proposition ? Balançant entre plusieurs possibilités, dont une semaine en Autriche, bien que très inexpérimenté dans la pêche en réservoir, j’ai finalement opté pour une boucle sur trois lacs d’Auvergne où je n’ai jamais pêché… Du 25 au 28 octobre à La Landie : Le plus réputé sans doute des lacs auvergnats… Arrivé en milieu d’après-midi, dès 16 heures j’embarque et entame au hasard une vaine recherche qui me permettra cependant de repérer les lieux… Je tente d’appliquer mes réflexes de pêcheur de rivière à ce milieu qui m’est si peu familier : je m’approche des berges, explore les enrochements des bordures ou les arbres plongeant dans les eaux du lac. Quelques gobages ou remous m’incitent à alterner les techniques : passage en sèche ou émergente, retour en streamer, essai en nymphe statique ou animée ; quelques rotengles feront les frais de mon obstination mais point de truites, alors que le vent se lève et souffle de plus en plus fort… Retour au lodge, excellent repas en compagnie de quelques autres pêcheurs, échange de souvenirs, de conseils… Et toujours le vent qui soufflera toute la nuit en tempête et encore toute la journée du lendemain. Pas question de renoncer pour autant : sous-vêtements thermiques, pulls, veste épaisse et embarquement. Le vent pousse la barque, rend les lancers difficiles, parfois acrobatiques et les posers toujours aléatoires. Je parviens quand même à remarquer des gobages plus réguliers dans certaines zones du lac : celles où les feuilles se sont rassemblées poussées par le vent ; c’est là que les truites semblent venir chercher les insectes emportés par le vent et je parviendrai à y surprendre une demi-douzaine de jolis poissons. Le troisième jour, après de violentes averses nocturnes, le vent est tombé et le temps devient plus clément et même ensoleillé et très agréable. J’abandonne La Landie vers 16 heures après avoir encore capturé quelques jolies truites. Bien qu’il n’y ait rien d’exceptionnel dans le nombre de captures réalisé, compte tenu de mon inexpérience dans la pêche en lac, je suis plutôt satisfait du bilan de cette première étape auvergnate. Du 28 au 30 octobre au Lac de Veirières : A vol d’oiseau, le lac de Veirière est très proche de La Landie… c’est sans compter avec l’interprétation superficielle de la carte routière et les routes tortueuses et étroites de la région; le hameau de Chamblat dépend bien de la commune de Saint Vincent de Salers mais aucune route directe ne relie les deux lieux, ce qui m’impose de revenir sur mes pas et de faire un long détour par Trizac. Bientôt la nuit tombe alors que je ne suis pas encore arrivé à destination mais voici enfin Chamblat ; dans les phares, un panneau de bois annonce le domaine de Veirières, je suis dans la bonne direction…le chemin goudronné se prolonge par un chemin gravillonné, encore un panneau de bois qui me rassure à demi car des engins de travaux publics sont stationnés dans les prairies environnantes…(Le lac ne serait-il pas encore creusé ???…) Il fait nuit noire quand j’arrive au bout du chemin où se trouve le buron, ancienne résidence d’été du berger…ouf, il y a de la lumière, mon épouse est rassurée, mais je n’ai pas vu le lac… Dans la salle commune, nous rencontrons Christophe, le propriétaire du buron qui ne nous attendait plus, bientôt rejoint par le propriétaire du lac. Tous deux nous rassurent quant au logement et à la pêche ; nous pouvons prendre possession de notre chambre et de la presque totalité du buron et découvrir les lieux avec étonnement et enchantement. Parties rajoutées, la salle commune et la cuisine sont parfaitement modernes et équipées. Le reste de l’habitation a été conservé dans l’état d’origine : le « salon » est l’ancienne pièce principale du buron ; le sol est pavé de galets et de pierres naturelles d’origine (éviter les talons aiguilles !), deux énormes bancs-coffres d’époque encadrent une table ancienne, un feu de bois crépite dans la cheminée…Christophe nous précède dans sa cave voûtée, nous fait goûter son « cantal » à la croûte épaisse et au goût de noix, nous présente enfin notre chambre à l’étage…Les poutres brutes de la charpente sont apparentes, les marques d’assemblage du charpentier en attestent l’authenticité. L’odeur du bois flotte dans la pièce, la salle de bains est parfaite… Je passe la tête par le Velux pour apercevoir une partie du lac brillant sous la lune, pas un bruit au dehors si ce n’est les cloches des vaches et un chien qui aboie au loin. Quand Christophe nous abandonne, nous sommes seuls au monde sous les étoiles. Le lendemain, je découvre les alentours : pas un nuage, la température est déjà agréable. Le lac est à deux cents mètres du buron. Avant de parvenir sur la berge, j’entends les énormes « plouf » de gros poissons et distingue des gobages un peu partout à la surface de l’eau. Quatre vastes barques colorées sont rangées de part et d’autre du ponton d’embarquement qui fait face au lodge. Elles sont construites en plastique imitant les clins, orange, blanc et vert, en provenance d’Irlande évidemment ! Parfaitement équipées, ces embarcations se révèleront particulièrement stables et agréables à manœuvrer, même pour un non-initié, surtout le troisième jour quand le vent se lèvera. Les truites sont au rendez-vous, de très beaux poissons très combatifs qui se feront prendre en sèche, au streamer ou en nymphe. Deux très gros poissons de plus de 70cm ont été pris par un jeune pêcheur depuis la rive. Mais pourquoi diable, en ce lieu de calme et de silence, certains ne peuvent-ils contrôler le volume sonore de leurs exclamations : qu’y a-t-il de plus pénible que d’être contraint de supporter à longueur de journées (car ils sont venus deux jours !!!) les « conversations » entre plusieurs individus mâles et femelles distants d’une centaine de mètres ? Une étape de rêve, un cadre enchanteur, un accueil chaleureux, une dimension de la vie que le citadin que je suis devenu avait oubliée, n’était-ce la coexistence avec des braillards ! (Le logement au buron et la pêche sont deux activités commerciales distinctes. Pour la pêche, joindre Jérémy Fournier aux lacs du Roussillou. Pour le logement au buron, prévoir la nourriture et contacter Christophe Lacombe à Trizac pour réservation : 04 71 78 69 29 ou au 06 75 77 69 43. Une grande famille peut y être logée. Le propriétaire du lac ouvrira son propre buron la saison prochaine avec possibilité de logement et restauration) Du 31 octobre au 1 novembre au lac de Malaguet : Cap sur la Haute-Loire pour la troisième et dernière étape de mon périple auvergnat. J’ai quitté le domaine de Veirières en début d’après-midi sous le vent et le soleil, l’arrivée au lac de Malaguet se fait par un temps calme mais frisquet. Coup d’œil sur le lac dès l’arrivée… Je suis perplexe, c’est un miroir presque parfait où apparaissent tout juste quelques gobages de gardons par-ci par-là. Une barque revient, je retrouve avec surprise un compagnon de table de La Landie qui m’annonce que « la pêche est difficile ». Ayant pu juger de son habileté à la pêche, le doute me gagne mais demain sera un autre jour ! Nous logeons dans une ancienne usine, vaste bâtisse impeccablement restaurée avec beaucoup de goût par les propriétaires. La chambre est parfaite, très confortable, les repas soignés sont servis dans une salle commune très accueillante. Une bonne nuit dans le calme et dès huit heures, à la pêche. Nous nous retrouvons bientôt à trois barques écumant toute la surface du lac : mon compagnon de La Landie qui est revenu pour une journée supplémentaire, deux pêcheurs de la région et moi-même. Après le calme du début de matinée, un vent frais et vigoureux se lève… Je pêche tantôt en sèche tantôt au streamer et tantôt en nymphe et toujours en vain ; j’approche les bordures, recherche les zones les plus calmes puis les plus agitées, poursuis les gobages avec un CDC noir n°22 pointe en 12 centièmes qui parvient à effrayer les truites gold que je rencontre…Le soir, après avoir ramené des kilomètres de soie, je compterai deux casses dont je suis coupable pour cause de nœuds sur le bas de ligne et un sandre de 20cm. Comme moi, les deux pêcheurs locaux sont capot et mon compagnon de La Landie ramène deux poissons. Maintenant je suis revenu dans ma banlieue…L’horizon, c’est les immeubles de la ville d’à côté, le soir je ne distingue pas les étoiles même par temps clair mais j’entends encore les « plouf » des truites du lac de Veirières !