Fuir la ville. Ses marchés de Noël, son hystérie de l’Avent, et ses plaques impaires avec ou sans particules.
Mes mouches et moi on part se poser sur le Vieux Rhône, histoire de changer d’air.
Midi. J’y rejoins Alain, vieux compagnon de pêche avec qui je partage chaque année aux premières vraies gelées ce rituel de fin de saison: Marche à l’Ombre, Yogi thé et goutte au nez. Comme il ne se passera, c’est ce que nous pensons, rien avant 3H, ni insectes ni gobages, ça nous laissera une fenêtre de 2H de pêche avant la fin du jour. De quoi se mettre en observation, tranquille au ras de l’eau en mangeant sur une plage de galets blancs. Magnifique Vieux Rhône limpide calme et lisse avec quelques veines plus agitées qui contournent les piles d’un ancien pont.
2H.Un vol d’une quinzaine de cormorans passe très haut juste au dessus de nous. Ce ciel ! sommes nous en juillet ou en décembre ? Et comme de juste, alors que nous avons le nez en l’air, le premier gros » plouf » se fait entendre juste en face de nous à 5 mètres. Nous ne lâchons plus la zone des yeux, en attente de la suite, tous nos sens en éveil, tel les premiers hommes aux abois en quête de protéines. ( avant le Toupargelocène ). Un 2ème plouf! Trop gros et trop sonore pour être un gobage, en plus il nous semble avoir vu du jaune-orangé…Aïe, les suivants nous le confirment: le concours de sauts de barbeaux vient de débuter juste sur notre poste, rapidement ça marsouine et ça saute de partout: Marineland sur Rhône. Que faire dans une telle situation? Difficile de poser une sèche au milieu de ce barouf ! Soyons fous: tel un gamin, plein enthousiasme je décide de tenter ma chance en nymphe, bien que n’ayant ni la soie ni le bdl adaptés.
3H. Après une heure en nymphe, en vain, un barbeau malin finit par retomber sur ma soie, en un peu il s’emmêle dans mon bdl, comble du mépris envers les pêcheurs impudents. Le soleil rasant nous aveugle et une brème énorme s’étant joint aux fêtards, nous nous replions sur notre veine à Ombres à quelques pas dans notre dos, au moins nous n’aurons plus le soleil dans les yeux. Les premières petites mouches blanches sont déjà là, réglées comme des horloges, accompagnées de quelques rares baetis. Enfin 1 gobage un vrai, mais très en aval: on ne bouge pas! Cette fois c’est juste en face de nous, plusieurs et réguliers, de beaux poissons. Ma soie est aussi fatiguée que mon épaule qui s’est ruinée sur ces barbeaux avec cette 10 pieds qui décidément ne me convient guère. Je fais un posé minable, les gobages s’arrêtent net ! Non, ils reprennent, toutes les mouches à Ombres que nous possédons passent et repassent sur le spot.
4H et demi Nous nous apercevons finalement que les Ombres prennent de minuscules moucherons noirs . Nos vieux yeux ( qui ont vu la 4ème) peinent à distinguer nos mouches artificielles des vrais insectes qui dérivent. Le soleil a disparu, la lumière s’éteint déjà et le show est terminé.
5H. Un dernier regard sur la rivière et le froid nous saisit déjà. C’est fini.
Zéro pointé. Et alors ? Quelle sortie fabuleuse ! Ce soir nous relirons de Boisset en rêvant à notre prochaine sortie jour impair:
Soie neuve, bdl refaits, canne de 8’5, thermos pleine et mouches noires minuscules.
Cette fois ça va marcher, c’est sûr…