Jean-Paul DESSAIGNE fait partie des meilleurs monteurs de mouches à saumon classiques. Il a participé cette année, avec le « gratin » des monteurs à une exposition internationale à Seattle.
Il nous fait l’amitié de partager avec nous son expérience.
Je vous conseille de regarder cet article en grand sur votre écran car Jean-Paul est aussi un talentueux photographe.
Patrick
Dans ce monde particulier qu’est le montage des mouches, une catégorie intrigue pas mal de passionnés, le montage des mouches à saumon classiques et d’exhibition. Pourquoi je distingue 2 catégories ?
Les mouches à saumon classiques étaient des mouches de pêche d’une grande complexité, tandis que les mouches d’exhibition sont encore plus complexes, mais ne servent pas à la pêche. Leur « destin » est de finir dans un beau cadre accroché au mur pour être admiré et montrer ainsi aux autres les capacités du monteur.
Je dirais que c’est un peu une joute entre monteurs, c’est à celui qui aura « la plus grosse », la plus colorée, la plus complexe. Ces « combats » se passent sur Facebook ou des forums spécialisés, sur des magazines ou en publiant des livres magnifiques.
Mais de temps en temps, tous ces combattants se retrouvent dans une arène, rien de mieux que de pouvoir parler, toucher et évaluer l’adversaire.
Mon premier « combat » s’est déroulé au IFTS (International Fly Tying Symposium) à côté de New York il y a une bonne quinzaine d’années et c’est ce premier salon qui m’a mis le pied à l’étrier par la publication de mes mouches dans le premier magazine spécialisé dans les mouches à saumon classiques (ART OF ANGLING JOURNAL).
Ce salon existe toujours et se déroule tous les mois de novembre pour les mouches à saumon classiques uniquement et tous les mois de janvier pour un salon beaucoup plus gros, mais qui regroupe toute la pêche à la mouche.
Ces salons sont toujours positifs pour celui qui y participe, on y rencontre des gens formidables, on y trouve de tout surtout les matériaux que l’on ne trouve pas chez nous et à des prix très raisonnables.
Mais pour faire partie de ce petit cercle il faut être reconnu et accepté.
Ce n’est pas facile, car les 2 principaux obstacles sont de trouver les matériaux qui composent ces petites merveilles et de pouvoir les assembler le plus parfaitement possible.
Trouver les matériaux est une question de moyens financiers et ce n’est pas permis à tout le monde, les assembler est à la portée de beaucoup de monteurs et là c’est une question de temps et de détermination.
Si vous passez ces 2 étapes, il ne vous restera plus qu’à vous montrer en publiant vos oeuvres et en attendant les commentaires.
En 2014 j’ai reçu une invitation de l’ASFI (Atlantic Salmon Fly International Expo) pour une rencontre entre passionnés et malheureusement je n’ai pas pu y aller. Par contre, courant 2015 deuxième invitation, et sans vraiment réfléchir j’ai tout de suite accepté, car je ne voulais pas rater ça.
Ce salon était organisé par un club de pêcheur de Seattle. Tout avait démarré par l’idée du président de regrouper et d’organiser une rencontre de la crème des monteurs de mouches à saumon classiques.
Le billet acheté et la chambre réservée je suis donc parti le 2 juin 2016 pour Seattle. Arrivé à l’aéroport et après 10 min de bus, j’étais au pied de mon hôtel pour passer une nuit assez courte à cause du décalage horaire.
Étaient au rendez-vous 60 monteurs de 18 pays, vous pouvez consulter la liste à cette adresse.
Depuis que je monte des mouches, j’ai fait pas mal de salons en France et quelques-uns à l’étranger et comme ce monde de passionnés est assez petit, j’ai retrouvé des amis de longue date.
Cette rencontre s’est déroulée dans une petite salle dans le centre de Seattle, avec 4 rangées de tables et une petite lampe pour chaque monteur. À côté de ces tables quelques petits stands de matériel qui ne payaient pas de mine, mais qui recelaient des trésors rangés dans de simples cartons.
À leur ouverture ce fût la curée, et en moins d’un quart d’heure les plus beaux lots avaient déjà disparu tels que la grande outarde, jungle coq de premier choix, plumes multicolores,
coq de roche, cotinga, faisans de toutes espèces comme l’argus à des prix défiant toute concurrence. C’est durant ces occasions que l’on fait le plein et surtout ne pas
hésiter, on le regrette vite après.
Durant 3 jours nous avons monté des mouches, échangé du matériel, assimilé de nouvelles techniques, partagé nos impressions, nos doutes et bien rigolé.
Les visiteurs pas très nombreux étaient des passionnés comme nous et suivaient avec attention nos démonstrations qui duraient plusieurs heures. J’ai monté en trois jours seulement 3 mouches dont une qui m’a demandé plus de 4 heures.
Elle fait maintenant le bonheur d’un des visiteurs.
Ces mouches nécessitent des plumes spécifiques et assez difficiles à trouver, il en est de même pour les hameçons qui doivent répondre à des critères précis comme la forme, la
taille, la longueur de la hampe, la forme de l’ardillon et le diamètre du fer.
Partridge était la marque qui fabriquait encore ces beaux hameçons, malheureusement maintenant il faut faire les brocantes, les fonds de tiroirs ou chiner chez des récupérateurs de vieux matériel de pêche pour en trouver quelques-uns. L’autre solution est de faire
appel à des passionnés qui les fabriquent en respectant tous les critères, seulement les tarifs s’envolent et peuvent monter jusqu’à 250€ pièce comme ceux de Yasuhiro Ogasawara du Japon. Pour ce prix vous avez des pièces uniques agrémenté de fines particules d’or, du grand art.
Lors de ces rencontres, je prends toujours un peu de temps pour me balader dans les allées et regarder quels types de matériels sont utilisés.
En ce qui concerne les étaux, les marques haut de gamme telles que Dyna-King, Renzetti, Cottarelli dominent, on trouve aussi des étaux faits maison qui sont tous des merveilles de conception et de fabrication et c’est un peu normal.
Pour les portes-bobines, c’est plus mélangé un seul sort du lot et c’est le Rite Bobbin de MERCO PRODUCT.
Pour le fil de montage qui est très important, tous avaient la même caractéristique, la finesse et les marques comme Unithread, Danvill, Bennechi revenaient le plus souvent. Pour le reste, ciseaux, aiguilles, pinces, c’étaient les mêmes que pour monter les mouches à truites.
Sur les 60 monteurs, seulement 2 femmes et c’est dommage, car elles ont une approche différente des hommes et elles créent des modèles vraiment magnifiques comme Linda Bachand et Kate Rollin qui montent sans étau.
Quand je me déplace si loin pour si peu de temps je dois récolter un maximum d’informations et en profiter pour réviser certaines techniques de montage en compagnie des meilleurs comme Steve Fernandez avec sa façon très particulière de modeler les ailes. J’avais déjà rencontré Steve il y a 24 ans en Norvège et il m’avait expliqué, démonstration
à l’appui, comment former et attacher ces magnifiques ailes.
J’ai eu droit à un deuxième cours en compagnie d’un autre grand maître du Soleil Levant, Junji Ichimura.
Il manquait des grands noms comme Wayne Luallen, Daniel Dufour, ou encore Mike Radencich pour compléter le tableau. Ces noms ne vous disent peut-être rien, mais vous les retrouvez dans de superbes livres.
Jamais je n’aurais imaginé arriver à ce niveau. J’ai commencé la pêche tout gamin avec mon père au bord d’une rivière à pêcher les goujons, gardons et autres poissons blancs avec une ligne toute simple, puis le carnassier à la cuillère. Et maintenant, grâce à Mr Guillois et Mr RAGOT, je suis allé chez les « ricains » pour partager mon expérience et mon
savoir-faire dans le montage des mouches à saumon classiques.
Je considère ces 3 jours de salon comme un grand moment de bonheur qui va se renouveler en 2018 au Canada sur La MIRAMICHI.
Ce sera mon deuxième séjour sur cette magnifique rivière à saumons et si vous avez la possibilité de vous y rendre n’hésitez pas.
Texte et photos Jean Paul DESSAIGNE