Je suis français mais habite depuis maintenant 6 mois en Belgique…Outre le changement de pays pas toujours facile à vivre au quotidien et parfois la nostalgie de la France, changement de pays signifie également changement de rivières. Habitué des grandes rivières larges et dégagées (Basse rivière d’Ain, Dordogne…) le changement pour moi a été brutal ici. Je vis à l’Est de la Belgique et la rivière à proximité se prénomme la Vesdre. Petite rivière près de sa source, c’est une rivière alternant sur fonds de cailloux, petits courants et zones plus calmes et plus profondes. Rivière très encombrée, souvent entourée d’une végétation étoffée, cette rivière a été extrèmement polluée durant des décennies par les nombreuses industries lainières autrefois situées le long de son parcours. Durant même un temps cette rivière était devenue totalement stérile et possèdait même un status de « troisième catégorie », c’est dire l’ampleur effrayante des ravages causés par l’homme sur ce modeste cours d’eau. Depuis quelques années avec l’effort des associations de pêche et la prise de conscience des autorités Wallones, un plan de rivière a vu le jour, et petit à petit ce cours d’eau reprend vie, mais son équilibre est précaire. Outre la présence de truites, une petite population d’ombres communs y a élu domicile, mais la rivière est aujourd’hui je dirai en convalescence. C’est pour cela que tout ombre pêché doit être systématiquement remis à l’eau et que la maille de la truite pour d’éventuels « consommateurs » est de 35 cm. Ceci est une bonne chose et permettra peut être, l’avenir nous le dira de redonner la pleine capacité à cette rivière encore meurtrie par un passé douloureux. Les conditions météorologiques durant ce printemps 2006 ont été particulièrement mauvaises dans l’Est de la Belgique, et ce n’est que depuis quelques jours que les conditions de pêche et de niveau de la rivière sont devenues correctes. Les quelques rares sorties entreprises ces derniers temps m’ont permis de découvrir petit à petit la rivière ainsi que les particularités techniques pour pêcher dans de bonnes conditions. A chaque fois j’ai réussi à tirer mon épingle du jeu et de nombreuses prises de tailles assez modestes sont venues couronnées mes sorties. Il y a même quelque jour, j’ai effectué une sortie de deux heures environs, et à la clé une dizaine de poissons dont 2 ombres aux alentours de 30 cm. Ces sorties positives m’ont donc laissé penser que cette rivière au combien malmené recèlait un potentiel intéressant et une densité de poissons élevés. Mais encore aucune truite de taille convenable, jusqu’à hier soir… Arrivé au bord de l’eau vers 19h15, j’ai choisi de pêcher un secteur de la Vesdre aux alentours de Dolhain. Ce parcours bien que fortement encombré par la végétation rivulaire me semblait propice à une jolie sortie. Rapidement en condition de pêche, il faisait très beau mais malheureusement une légère brise soufflait encore et aucune activité de surface ne venait troubler la tranquilité des lieux. Je pris mon mal en patience et pêchait quelques courants qui m’avaient quelques jours auparavant apporté du succès. Les minutes et les heures passent…Le soleil bas sur l’horizon commence à plonger la rivière dans une semi pénombre, pénombre accentuée par la végétation environnante. Je suis maintenant sur une zone assez profonde, avec un faible courant et des zones de bordures assez marquées avec racines baignantes et enrochements visibles. Je profite du manque d’activité pour changer la pointe de mons bas de ligne et passer à un 14/100 suffisante il me semble pour le secteur assez calme. Quelques sedges commencent à faire l’ascenceur et tapent sur l’eau de manières brusques. Quelques gobages apparaissent mais discrets et probablement sur des éphémères émergentes. Après quelques passages sans succès ma petite olive cul de canard est aspirée délicatement, et une petite truite de 20 cm environ vient échouer à mes pieds. Rapidement décrochée, j’enchaine alors deux prises supplémentaires mais avec des poissons toujours de tailles modestes. La rivière est maintenant plongée dans la pénombre, et des gobages plus puissants se passent sur la bordure gauche. Au milieu du lit de la rivière je pêche amont avec difficultés car la zone est assez profonde et les arbres nombreux…Changement de mouche, un sedge taille 12 en poils de chevreuil termine maintenant mon bas de ligne, raccourci pour l’occasion. Un joli remous vient de se produire sur la berge opposée. Je pose le sedge délicatement en amont du poisson… Dérive inerte, et soudain ma mouche disparaît dans l’obscurité. Je lève la canne, pendue ! La truite se défends bien et me gratifie même de deux superbes chandelles bruyantes au dessus de l’eau. Lentement, je la ramène sur le bord et peut enfin la voir dans la pénombre. Elle est belle, avec une belle robe jaunatre sur les flancs et une machoire puissante. Cette jolie truite d’eviron 35 cm, se prête rapidement à une petite séance photos sur le bord sans rechigner. Quelques petits massages pour l’oxygèner, et la belle regagne son abri, sans dommages et en pleine forme. J’ai l’impression que le temps vient de s’arrêter pour moi. Enfin, un joli poisson… Tout moucheur a eu un jour ce sentiment de ne faire plus qu’un avec la rivière et le poisson. Ce sont des moments rares, et ce soir la j’ai su que je n’étais plus orphelin. Je n’étais plus seul, et cette rivière, enfin, venait de m’adopter : ma rivière ! Olivier
