Automne de feu

15 novembre 2011

57 - Moselle

Moselle

French.Flies

Voici le récit d’un automne qui démarre bien… Et pourtant, les gros ombres de la basse Moselle ont tardé à se mettre sérieusement à table ! La température n’a pas vraiment chuté en octobre, et il était toujours difficile d’apercevoir des ronds bien gras sur les lisses miroirs de la « petite Dordogne »… Seuls des dizaines de petits picoreurs, des bébés d’ombres, des jeunots candides s’amusaient à découvrir les joies de grimper en surface, pour imiter les plus grands, en basculant au rythme des pendules de la nature, sans prêter attention à la proie, que ce soit un éphémère ou un bout de bois. Il est tellement bon de prendre son envol du fond pour aller chiper des convoitises à la limite du milieu aquatique… J’ignorais alors le ballet des juvéniles, et scrutait ces veines d’eau à l’apparence si sauvages, mais pourtant bien enclavées au milieu d’une région définitivement top urbanisée pour moi. Pas le moindre signe d’activité des gros ombres…. Même sous la surface, les nymphes que je présentais si méthodiquement dans les courants n’intéressaient aucun gros individu. Alors comme tous les ans à l’automne (bien souvent, les ombres ne gobent qu’en automne sur la base Moselle), les interrogations et les doutes reviennent…. Sont ils encore la ? Est-ce que les cormorans les ont mangé ? Des pêcheurs peu scrupuleux ont ils tué les compagnons de mes rêves ? Sont-ils morts de vieillesse ? Mais qui, de qui parle tu ? Des gros ombres bien sur ! Et plus précisément des gros ombres de la basse Moselle, car pour moi il y a une différence énorme entre l’ombre de la basse Moselle, et celui de la haute Moselle. Le mode de vie de ces 2 frères n’est pas le même. L’ombre de la basse Moselle est un sportif, un lutteur des grands courants. Les veines puissantes de la plaine ne lui laissent jamais de répit. Mais au-delà d’être un poisson robuste, c’est un fin connaisseur quand il s’agit de passer à table. Il est aussi bien capable de sélectionner un délicieux baetis au milieu d’un tapis de sulfure, en zigzaguant de droite à gauche quelques centimètres sous la surface. Ses camarades qui vivent à une centaine de kilomètres plus haut, dans les eaux limpides de Rupt sur Moselle ne connaissent pas l’effort à fournir pour sélectionner leur repas dans des courants immenses ou l’eau et le fond sont si sombres… Mais la ou l’ombre de la base Moselle est imbattable, c’est dans la recherche des nymphes. Alors que son frère n’a qu’a cueillir des port bois et des plécoptères dans les granulats fins et légers des eaux limpides du massif vosgien, lui il doit fourrer son groin pointu dans les interstices des gros galets ronds, polis par la nuit des temps. Ses proies préférées ? Les hydropsichidés et les ryacophiles. Il y à une vingtaine d’années, ses ancêtres trouvaient encore des énormes nymphes de perles, mais la pollution en a voulu autrement. Notre gros ombre de la basse Moselle passe donc son temps à glaner des nymphes dans des fonds sombres et mystérieux, bien souvent il arrive à dégoter des larves d’heptagénidés, qu’il reconnaît leur corps plat…Et quel festin lorsque il tombe sur un nid de larve de phryganes, il est même capable d’avaler avec leur fourreau ! Et ce que je préfère chez les gros ombres de la Moselle, c’est le ton noir qu’ils prennent parfois… Bien sur, on ne les verra jamais dans l’eau car le fond est trop sombre, mais lorsqu’ils sont à l’air libre, il est assez impressionnant de voir la variation dans le rendu des écailles…Il suffit de l’incliner de quelques degrés pour y voir son reflet dans les écailles, alors que lorsqu’on le remet dans l’eau, il redevient noir comme du charbon, son mimétisme étant trahi par son étendard aux couleurs de feu…. Puis le froid est venu. Ce fut le coup d’envoi pour l’automne sur la basse Moselle, les arbres se sont enflammés de couleurs vives que j’admire dans les miroirs des lisses. Et tout ce microcosme aquatique s’est mis en ébullition. L’atmosphère le présageait, du moment que j’ai ressenti ce grain humide dans l’air méchamment refroidi, j’imaginais déjà les olives en train de percer la surface huileuse… Tapotant leurs ailes molles avant de s’envoler pour de bon… Et je ne m’étais pas trompé, malgré mes doutes, les gros ombres étaient encore la. Et au vu de la taille des galettes en surface, il y avait du « gros dossier » à bricoler en sèche… J’arrive à faire mes premiers poissons sans trop de difficultés. Notamment ce gros ombre a la queue coupée. Etienne, qui pêche mon amont me lance depuis le haut du lisse « Ca a l’air d’être un beau poisson, Nico en à fait un de 42, si par hasard tu le reprend, tu verras, il a la queue coupée… » Et bien c’était le même poisson. Bossu, rond, plutôt gras pour un habitant de la basse Moselle. Etienne m’avait emmené sur des nouveaux parcours. Il m’avait vraiment étonné de sa capacité à trouver les bons spots…Mais la, il a fait fort… Des lisses d’un plat imperturbable emmuré d’un coté par une berge très haute, et l’autre berge offrait logiquement une plage en pente douce. Le petit plus par rapport aux spots que j’avais l’habitude de fréquenter, c’était la profondeur. Même avec des niveaux d’eau bas, il n’était pas possible de traverser. C’est sûrement cette profondeur couplée à des veines d’eau régulières qui plaisait aux gros ombres. Toujours avec sa grande perspicacité et ses nombreuses connaissances en hydrobiologie, Etienne m’avait fait remarquer la finesse des granulats qui tapissaient le fond. C’est vrai qu’il y avait très peu de gros galets, mais un ensemble homogène de petits galets ovales mélangés à des éclats de plaques calcaires qui offraient une confortable niche pour tout type d’insectes. En fait, ce spot avait tout pour plaire, sans parler des quelques blocs rocheux disposés au milieu de la rivière, qui laisserait présager le repère d’une grosse truite (la je rêve un peu de trop !) Une semaine plus tard, je retournais dans ce nouveau paradis. Cet endroit avait ravivé ma passion pour la basse Moselle. A force d’usiner sempiternellement les mêmes courants, je m’étais un peu lassé … Mais ces nouveaux parcours donnaient un goût d’exploration, et la Moselle remontait alors dans mon estime puisqu’il y avait de l’inconnu, et peut être l’espoir de capturer un ombre monstrueux. Comme une carte au trésor que j’aurais retrouvé dans mon grenier, j’envisageais le spot sur Geoportail… Il y avait autant à faire en sèche qu’en nymphe…Cependant, j’ai vite trouvé mes limites en sèche. Ce jour la, je n’avais pas la bonne mouche, olive : non, sulfure : refus, petite grise : ne veut pas, émergente, pas intéressé. Ces effrontés continuaient à gober insolemment à coté de mes mouches. Qu’a cela ne tienne, vous faite les malins en surface, on verra bien ce qui se passe sous l’eau… Je fixe un gros sedge sur ma ligne, accompagné d’une petite nymphe bille 2,5…Avec environ 80cm de potence … « s’ils sont vraiment actifs, ils ne vont pas refuser ça… » . Posé bien à l’amont, le sedge passe en surface, puis s’enfonce violemment…C’est gagné…Un joli poisson godille dans le courant… Une fois de plus la bille or prend du poisson dans toutes les conditions Je continue mon exploration sur un semi lisse qui est trop plein d’écume pour accueillir une sèche, mais qui se prête plutôt bien au pompon… Et bien à peine mon gros sedge posé qu’il ce fait engloutir… Il y a une multitude de veine nourricière à exploiter dans ces courants. J’insiste sur la veine principale, et fini par pendre un joli poisson dans le courant violent. Mais le 14 centième tient le choc. J’arrive à l’échouer sur la plage de galets. C’est une grosse femelle, ornée d’une dorsale ridiculement petite… Quel beau poisson, noir comme du charbon, sans aucun point noir mais avec de puissants reflets violets sur les flancs. C’est comme ça que je les aime ! Voilà, j’espère que ce n’est que le début, et que je verrais les ombres gober sous la neige cet hiver !

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