Un ciel froid et gris me rattrapait sans hâte tandis que je fonçais vers le ciel bleu azur qui régnait encore au dessus de la vallée du Rhône. Les mornes étendues des Dombes étaient rythmées par les riffs lancinants de Black Sabbath. Et tandis qu’Ozzy Osborne invoquait le diable je me précipitais un peu plus vers son antre… Le Rhône est là, tapie, fini les eaux bleues et transparentes, c’est maintenant un trait de glace qui m’attend une fois passé le rideau d’arbres décharnés garnis de corneilles. Les flots ont le reflet froid d’une lame d’acier, courbé sous un vent du Nord furibond je regarde un temps dans l’axe du fleuve la côtière blanche du bas Bugey, poudré de neige, là bas au fond… Le temps d’une éclaircie le dieu montagne se dévoile, dominant de toute sa masse la plaine et les hommes malgré l’éloignement… Rêve d’enfant, un jour je le gravirai ce mont si blanc. J’hésite, la nature se recroqueville, pêcher et extraire du poisson de son milieu serait aller à l’encontre de ce lent mouvement de repli sur soi. Un peu de vie me fait plisser les yeux, deux, trois, cinq énormes chevesnes patrouillent et bientôt les flancs de nombreux cyprins se dévoilent… Dans une retourne, des dizaines de poissons des trois espèces patrouillent : barbeaux, chevesnes et hotus. Je contourne les lieux et me poste, héron figé par le froid, sur un gros caillou plat un peu en dedans de la rivière… Tout demande effort, la soie ne veut pas sortir, les mouvements sont cassés, sans fluidité. Sans relâche, je passe l’ensemble de mes nymphes au devant des poissons… Rien, les flocons qui me cinglent me sortent de la torpeur dans laquelle ces monstres à écailles m’ont plongé… Il faut rentrer…. Jusqu’en mars ?
