Il y a bien longtemps qu’aller à la pêche ne m’était pas apparu avec une telle évidence.
C’est pourtant une journée quelconque, ensoleillée avec un petit vent. Qu’importe j’ai besoin de pêche.
Comme prévu, il y a très peu d’activité mais être au bord de l’eau fait du bien. Néanmoins en pêchant l’eau sur des ronds plus ou moins répérés de loin, quelques poissons montent sur mes mouches. Quel beau cadeau me fait une belle que j’ai trop longtemps délaissée.
Puis soudain, comme une averse qui avance poussée par le vent, le front des gobages venant de l’amont a fondu sur moi. Les fourmis…
Rarement une partie entre les poissons et le pêcheur a été aussi déséquilibrée. D’un côté, un moucheur affamé muni d’une imitation affûtée comme un rasoir par des années de mise au point et de l’autre des ombres naïfs après un été protégé par le défilé des canoës.
Pendant près de trois quart d’heure, le seul effort à faire a été de trier les ombres au milieu des blancs, les poissons se chargeant de trier l’artificielle au milieu du tapis roulant de fourmis qui défilait. Prise après prise, l’artificielle machouillée s’est métamorphosée en aimant à poissons : la dynamique de la gagne était enclenchée.
Malgré un graissage tous les trois poissons, elle coulait parfois mais restait attractive sous l’eau pêchant comme une nymphe. Cette boule de plume et de piles imitait mieux la vie que la vie elle même. Le graal de tout pêcheur à la mouche.
Le temps est souvent trop court surtout lorsque toute montée se solde par un combat. En suivant les derniers insectes vers l’aval de la gravière je prolongerai le plaisir quelques minutes de plus. Mais toutes les bonnes choses ont une fin et c’est repu que je repartirai vers la maison même pas deux heures après mon arrivée.
Ma mouche quand à elle va gagner le panthéon des mouches et prendre un repos bien mérité aux côtés des autres mouches exceptionnelles qui ont un jour pris vie dans la gueule des poissons.
Fred
