Le fantôme du radier

21 juin 2005

64 - Pyrénées-Atlantiques

Rivière

nico_p

Hier 22 juin c’était un anniversaire. Il y a exactement un an j’avais décroché ce qui reste toujours la plus grosse truite que j’ai jamais touché. Par nostalgie j’ai failli retourner pêcher au même endroit, mais les niveaux d’eau, beaucoup plus bas cette année, ne s’y prêtaient pas du tout, et un collègue m’avait téléphoné pour savoir si le coup était libre. Il faut savoir partager. Je vais donc … ailleurs. Je connais plusieurs truites sur cette berge, pour les avoir observé plusieurs fois en activité le long des ronces, près des tombants ou posées sur leurs blocs. Oh, je n’en vois jamais beaucoup, deux ou trois sur une bonne centaine de mètres, mais elles y sont pour qui sait les voir. Je m’amuse chaque fois, en fonction des niveaux, de constater qu’elles changent légèrement de poste et de tenue. Mauvais signe : au début de la berge je ne parviens pas à distinguer ma petite préférée. Elle est habituellement au ras de la surface, tout à fait contre la berge, sous cette ronce. Je patiente un peu et je décide de passer au dessus. Pschhht … éclair gris … elle était 2m plus haut. Elle me fait souvent le coup, et je n’ai toujours pas réussi à la piquer celle la. De toute façon ma médiocrité technique en revers m’interdit tout espoir pour ce poisson, mais j’aime toujours quand je réussis à l’approcher. Je me positionne alors du mieux possible, et chaque fois je finis par la caler en me prenant dans la ronce qui pendouille au dessus de son nez. Plus haut il y a un vieil arbre mort couché dans l’eau. Bordé par un puissant radier, il forme une sorte de petit seuil. Cet arbre mort est le domicile d’un très gros poisson à la robe toute noire. Je n’ai pas d’espoir de capture le concernant, car je la sais cachée sous la souche, inattaquable. Et quand bien même je réussirais à la piquer, la puissance de la grande veine d’eau qui coule juste à côté lui donne un tel avantage … j’ai déjà vécu des combats analogues plusieurs fois, toujours soldés par la perte du poisson loin, loin, loin en aval. Je regarde tout de même le poste et mon regard se laisse attirer par le large. C’est là que je finis par la deviner. Cette longue forme grise opaque, c’est elle. Elle a quitté sa souche pour se poster dans le courant, fantôme du radier. Hélas, je sais déjà qu’elle m’a vu. Elle ondule, certes, mais avec une amplitude très faible. Ce poisson est alerté et partira au prochain mouvement. Je fais tout de même un passage en nymphe, pour la forme, et comme prévu elle rejoint son repaire dés la première esquisse de lancer. Bizarrement, les 50 mètres qui suivent ne m’ont jamais laissé voir le moindre poisson. Par habitude je les passe donc en remontant à un rythme un petit peu plus soutenu. Plus haut il y a un poste ou j’ai déjà vu un beau poisson. Il s’agit d’un calme bordé par une veine très puissante. Ce calme est créé par une langue de roche qui s’avance. En fonction du niveau, l’eau y coule soit d’amont vers l’aval, soit (comme ce soir) à l’envers. Il y a un beau bloc dans ce retour. Devant ce bloc, une grande branche morte qui pendouille et trempe le bout du nez dans l’eau. Si il y a une truite, elle sera forcément à cet endroit, juste en aval de la branche, contre le bloc. A la pêche, il faut avoir quelques certitudes, et j’ai suffisamment confiance dans ma prédiction pour attendre cinq minutes, à bonne distance. Le premier gobage ne s’est pas manifesté à l’endroit prévu, mais j’en vois bientôt un deuxième, puis un troisième : le poisson tourne et se dirige vers son poste. Il s’y stabilise pour regober cinq ou six fois, puis repart un peu plus loin. Comme dirait mon pote greg, elle « susurrotte » les quelques spents emprisonnés dans le film, et en fait de gobages on devrait plutôt parler de frémissements en surface. Mais j’ai maintenant l’oeil aiguisé et je sais que j’ai devant moi un beau poisson actif. Je pose soie et bas de ligne dans le mou du retour, et laisse la mouche s’éloigner de moi à deux centimètres à l’heure, aspirée par le très léger courant qui alimente le poste ou ma belle a décidé de s’alimenter. Elle passe sous la branche, elle descend encore un peu … là ! Ma mouche flotte un peu plus haut que les spents englués dans le film, alors le poisson est obligé de sortir un beau museau pour couler mon imitation. Il me fait face, alors je dois ferrer lentement, encore plus que d’habitude (ah, les ferrages ratés, le drame de ma saison …). Pour une fois tout se passe bien et le grand remous en surface confirme que j’ai bien aggripé une belle torpille. Elle se bat comme les très gros poissons : pas de chandelle, tout en puissance à résister dans sa veine. Je finis par la mettre à l’épuisette et je suis un peu déçu par la taille, je la rêvais plus longue celle la! Remise à l’eau, et poursuite de la pêche. Je ne verrais rien de plus. Remontée à la nuit dans une mauvaise pente garnie de ronces. Quelle belle soirée. Mais il faudra que je revienne pour piquer le fantôme du radier …

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