Pour monter aux sept Laux, il faudrait des bottes de sept lieux. Isolés par d’austères pics de roches noires, séparés des vallées par de fortes pentes caillouteuses couvertes de névés jusqu’en juin, les lacs se méritent et éprouvent fortement les genoux et les cuisses.
Le chemin choisi démarre par une longue promenade à mi pente. Protégé par le relief, je n’avais pas conscience de l’ambiance que j’allais bientôt découvrir et je me délectais de l’automne qui déjà faisait flamboyer la forêt alentour.
Après avoir franchi dans la douleur le méchant verrou qui ferme l’accès aux lacs par le nord, je butte contre un vent hurlant qui s’engouffre dans la vallée perchée… Tout autour, c’est déjà l’hiver, les fougères sont rousses, rabougries, de la neige de la nuit a piqueté les sommets.
Les lacs moutonnent sous l’assaut du vent. Il me faut chercher les criques les plus à l’abri, l’eau a une couleur de tempête.
Je verrai un très gros poisson en bordure, qui s’évanouit avant que j’arme la canne. Je prendrais quelques arcs en ciel argentées comme si elles remontaient de l’océan, combatives en diable. J’en louperai une au ferrage, jailli des profondeurs opales à une vitesse folle, qui devait approcher les deux kilos.
En milieu d’après-midi, l’hiver précoce aura eu raison de moi, je redescends là où le vent est moins fou.
