C’est à l’occasion d’un séjour en famille dans les Pyrénées Atlantiques que j’ai enfin pu découvrir les Gaves Béarnais. Même si les spots de pêche ne se limitent pas aux rivières de première catégorie, ce sont bien les salmonidés des grands Gaves qui ont fait la réputation de la région. J’avais donc tout naturellement prévu de passer quelques trop courts moments à traquer les plus belles truites. Pourtant, la première soirée fut consacrée aux carpeaux de l’étang tout proche en compagnie de Christophe. Malgré des conditions peu avantageuses, les prises s’enchaînèrent et la soirée se termina à la table d’un café à discuter… de pêche évidemment. Dès le lendemain, Fred nous rejoignit et nous conduisit sur l’un de ses meilleurs spots. Ce devait être LE coup du soir pour moi qui attendais cela depuis trop longtemps. Une de ces sorties desquelles on attend beaucoup sans oser se l’avouer de peur d’être déçu. Mes guides mirent tout en œuvre pour me permettre de leurrer un beau poisson. Ces micro gobages presque imperceptibles pour un œil non averti faisaient monter la pression. Au moment de les attaquer, la fébrilité se fit sentir et les approximations qui en découlent me firent rater les deux seuls poissons m’ayant fait l’honneur de goûter mes imitations ce soir là. Dès lors, le Gave et ses truites trophées vous hantent à chaque instant. L’envie d’être au bord de l’eau vous fait oublier le plaisir de découvrir un département au patrimoine riche et aux paysages enchanteurs. Après une courte trêve, Fred et Kiki m’invitèrent à les rejoindre pour une nouvelle soirée au bord de l’eau. Cette fois, l’activité était moindre, j’attaquai néanmoins un poisson très actif mais qui ne tenait pas en place. Après dix bonnes minutes à tenter de le tromper, il se jeta enfin sur mon ORL mais j’oubliai de le ferrer. A cet instant, l’amertume m’envahit et je restais songeur tout en scrutant mon secteur à la recherche d’un nouveau poisson en activité. J’attendis en vain jusqu’à la nuit pendant que Kiki réussit à séduire deux beaux poissons un peu plus haut. Le lendemain, Kiki tentait de leurrer quelques chevesnes en attendant le moment propice. Les orages des jours précédents avaient fait monter le niveau et je percevais bien son angoisse pour choisir la meilleure solution. Finalement, nous prîmes la direction du spot de la veille. La configuration avait beaucoup changé et nous refîmes nos bas de lignes tranquillement en attendant que le soleil baisse. Ce soir là je savais que je n’aurais pas d’autre occasion de revenir. Nous nous assîmes sur un rocher, en quête du moindre gobage. Mais la soirée passait et hormis la rencontre avec un vison américain, la rivière semblait désespérément endormie. Nous remontions un peu plus haut, de plus en plus pessimistes et prêts à partir quand ce petit animal revint nous voir de plus près. Sa curiosité le conduisit à deux mètres de nous. Visiblement en quête de notoriété, il semblait attiré par les flashs de Kiki qui s’appliquait à immortaliser la scène. Puis, l’animal s’en alla comme pour nous dire de nous reconcentrer sur notre objectif. Un dernier coup d’œil à la rivière et Christophe aperçut un gobage. L’espoir renaquit. La nonchalance laissa alors place à la précipitation puisque c’étaient en fait de nombreux poissons qui animaient à présent la rivière en perçant l’onde délicatement. Je m’appliquais pour ne pas laisser passer ma chance une nouvelle fois. En tentant de me dégager des branches, je manquai de prendre un bain et noyer le matériel photo. Sagement je décidai de pêcher aval, ne pouvant pas atteindre les poissons en face de moi. Je piquai ainsi le premier poisson. Malheureusement c’était une arc, certes de belle taille mais je n’étais pas venu pour elle. Pendant le combat, Christophe s’était attelé à un beau poisson, je remontai alors à grandes enjambées pour l’aider à l’épuiser. Je découvris une fario de toute beauté, aux formes parfaites, au moins aussi belle que celles de mes rêves. J’épuisai deux autres arcs durant cette courte euphorie. Le retour dans la pénombre, équipés de notre seule lampe électrique fut périlleux et nous manquâmes tour à tour de noyer les APN. Je repartis avec le sentiment d’avoir enfin pêché juste et efficacement. Mais ce soir là, mon rêve est resté sur la bordure et je l’imagine tous les soirs à la même heure gober discrètement tout ce qui se présente à lui. Quelques carpes allaient me contenter le lendemain matin, mais j’avais la tête ailleurs. Le bilan de cette dizaine d’heures cumulées reste honorable si l’on ne considère que les prises, mais l’essentiel était ailleurs. J’ai rencontré deux chics types pour qui le partage n’est pas un vain mot. Par l’intermédiaire de ce récit, je leur adresse mes remerciements les plus sincères et espère les guider à mon tour en Bretagne ; avant, je l’espère, de reprendre rendez-vous avec mon rêve la saison prochaine.