Rendez-vous

24 mai 2006

67 - Bas-Rhin

Fecht

Serge Del Vesco

RENDEZ-VOUS … Gracias Auelo. Merci Grand Père, de m’avoir transmis la passion de la pêche. Se sont les premiers mots qui me sont venus à l’esprit. L’endroit est magnifique. Ce que je viens de vivre est magnifique. Je suis assis par terre, sur les galets découvert du bord de la rivière. Mon cœur tambourine dans ma poitrine, et je prend le temps de regarder un instant ce poisson magnifique. Voilà, il est repartit dans son élément. Je sais maintenant que la prochaine fois, que nous nous rencontrerons, tout sera différent. Je sais ou le trouver, il sait qui je suis. Je ne tiens pas compte du temps, de la lune, de l’heure, quand je décide d’aller à la pêche. J’aime passer du temps au bord de l’eau, et observer. J’ai le sentiment que celui qui prend le plus de poisson, fait parti de ceux qui passent le plus de temps dans l’eau. J’aimerai que mes waders n’ait pas le temps de sécher. J’ai noté dans mon carnet la date de cette journée, un vendredi 4, la lune était croissante, 5 jours après la lune noire, c’était une belle journée ensoleillée. Comme à mon habitude, je suis au bord de l’eau en plein milieu de la journée. Ce qui me plait quand j’arrive à l’emplacement ou je me gare, quand je viens ici, c’est que ça se trouve en plein centre d’un petit village vosgien. L’ambiance y est constante et calme, sans pour autant y être non plus chaleureuse. Je sais qu’à force de m’y rendre, et de proposer la même image, et le même comportement, les gens que je croise me connaissent , et m’ont accepter. J’apprécie vraiment ces moments. Pour moi le bonheur de ma journée commence maintenant, par le bonjour au petit vieux qui sort de chez lui quand j’arrive, et quand je croise son chat quelques minutes après. Je sais, car j’ai déjà discuter avec lui, qu’il ne pêche pas. Pourtant je le croise chaque fois, et je suis sûr que le sourire amical que nous partageons est sincère. Il me semble que j’attends, alors que je prépare mes affaires, qu’il sorte. C’est un peu comme un rituel. Les rapports avec son chat sont les mêmes . En général je suis déjà prêt, la canne à la main, et me rend à la rivière. Je le croise toujours au même endroit, alors que je passe dans son jardin. C’est un gros matou qui se comporte comme si j’étais un proche. Il ne va tout de même pas jusqu’à se laisser caresser, mais le principal se trouve dans les codes que l’on interprète, sans avoir à les prononcer. Maintenant, j’ai les pieds dans l’eau. Même si j’ai du mal à prendre le temps nécessaire pour laisser derrière moi les contraintes citadines, je tâche de ne pas débuter ces moments sans respecter un moment de calme. Je commencerai là, sous le pont du chemin de fer. Ce n’est pas un pont immense. Si je lève ma 9 pieds, le scion touchera le métal de la charpente. La Fecht elle-même n’est pas une grande rivière. Elle est ici, en moyenne, de 5 ou 6 mètres de large. Sur le parcours de 500 mètres, que je me propose de suivre, il n’y a que 3 ou 4 trous, de 1 mètre de profondeur. C’est une petite rivière très intime, en pleine forêt, dont certains arbres couvrent littéralement le cours d’eau, formant une voûte ombragée, sous laquelle il est très intéressant de progresser, pour proposer une mouche sèche suivant des coulées n’excédants pas 1 mètre. C’est un bonheur, de savoir, que des endroits pareil existent. Sous ce pont j’ai déjà rencontré une belle truite, juste sous ce gros bloc de pierre. Aujourd’hui puisque je débute ici je ne m’y attarde pas et me déplace assez rapidement vers l’amont. Devant moi se trouve l’endroit le plus large de la rivière. Sur 50 mètres de long la largeur sera d’une dizaine de mètres. Il y a peu d’eau. C’est une série de petites accélérations. De petits blocs de pierres, les uns après les autres, offrants de tout petits plats de 1à 3 mètres. Evidemment il s’agit là, de pêcher sous la canne, et de faire de toutes petites dérives. D’une manière générale, j’utilise de petites mouches, que je ne vois plus une fois posée sur l’eau. Je ne lance pas bien loin et me débrouille pour voir ce que je compte provoquer, un gobage. Si l’eau est agité, je monte une deuxième mouche, en potence, cdc blanc. Pour le moment je n’ai pas ce genre de problème puisque je peux observer une activité évidente. Je rentre rapidement dans le jeux pour un résultat immédiat. J’attrape sur les 50 mètres quelques petites truites, sur des gobages bien réguliers. Je pense connaître le parcours, et ce suffisamment pour sentir quelque chose que je ne sens pas d’habitude. Je commence à me dire qu’il me faut être attentif, puisque la nature me propose de l’être. Je viens donc de finir la petite montée. J’arrive maintenant au premier trou. C’est un site bien marqué et vraiment très intéressant. Après un arbre couché dans l’eau qui marque une transition nette avec la partie que je viens de franchir, tout change. J’étais en plein soleil, sur une partie dégagée, maintenant c’est l’inverse. La rivière est couverte d’arbres, et je suis face à un plat, complètement lisse. Il est hors de question de m’en approcher sans précaution. Je dois me placer correctement afin de faire mes premiers faux lancée. En remontant, j’arrive par la gauche. Les truites se trouvent, le plus souvent, sur l’autre rive, en tête de pool. C’est aussi là que le fond est le plus important, 1 mètre, sur 6 m². Je dois poser ma mouche suivant cette dérive, en sautant la veine principale. Je me trouve à une dizaine de mètres. La pointe de mon bas de ligne est en 10/100°. Je propose une petite éphémère marron clair, sur hameçon de 22. 2 ou 3 passages suffisent à faire réagir la mémère en poste. Je me redresse rapidement, élève ma canne le plus haut possible sur ma tête, et commence à travailler, en tenant la soie de ma main gauche. Trop tard, la tension est trop grande, et trop rapide. Je n’arrive pas à donner du mou. Mon 10/100° claque sèchement, après quelques secondes de tension. Poisson perdu. Je rage de mon manque d’efficacité. Je sais que je suis dans l’attente de moments comme celui que je viens de manquer. Quel dommage. Je mets un petit moment à me ressaisir, et accepter de ne pas avoir été à la hauteur. J’analyse un peu la situation et ressent le frottement de la soie entre mon index et mon pouce. Sous la tension imposée par le poisson je la sens qui craque sous mes doigts, je la sens qui saute. Ces à-coups ont provoqués la casse. La soie aurait dû glisser gentiment. Evidement, contrôler dans si peu d’espace , et si peu de temps un poisson qui devait dépasser les 40 centimètres… Le prochain coup rembobine la ligne rapidement, et ne fait pas le margoulin en voulant jouer les funambules. Je réalise aussi que des choses se trament et qu’il me faut être plus attentif. Cette journée ne ressemble pas à celles que je vis ici la plupart du temps. Je me dis que si la mémère était de sortie, sa sœur peut l’être également. Je change la pointe de mon bas de ligne, et en augmente la puissance. Je passe en 12/10°. Ce diamètre m’a permis par la passé de contrôler de beau poissons. J’ai confiance, et garde forcément la même mouche. La partie de la rivière qui suit est assez particulière, et change encore de physionomie. Entre le plat que je viens de pêcher et le prochain il y a une centaine de mètres. Entre les deux ça ressemble à un torrent. La rivière est étroite, 5 mètres en moyenne, très rocheuse. Des arbres la couvrent totalement, et même s’il est possible de fouetter, l’action se fait parallèlement à la surface de l’eau. Il n’est plus possible de sortir de la soie, et pêcher sous la canne, les pieds dans l’eau impose une progression discrète. Dans ces moments je pense aux indiens. Je suis un indien. Un peu branché néoprène et carbone, mais je suis un indien. Ce n’est pas là, une partie que j’affectionne particulièrement. Peut-être parce que je n’y prend jamais rien. C’est très compliqué. Le fait de ne pas pouvoir réellement lever le scion de la canne pour éviter que la mouche ne drague est assez compliqué. Les jolis poste ne manquent pas, mais les dérives doivent être réussit du premier coup, sur des distances très courtes. Piquer un poisson et le maîtriser, la canne au raz de l’eau, c’est encore autre chose. J’avoue n’y être jamais parvenu. Bref, à journée particulière effort particulier. Je me lance, et décide une fois n’est pas coutume de ne pas sauter ces 100 mètres. Rien ne m’arrive, et je pêche un peu comme un robot, et sans réelle conviction. Ne pas tomber, ne pas faire de bruit, ne pas attraper de branches, ne pas claquer la mouche au posé, …attention à la branche, mince la mouche drague, loupé … A mi-parcours, toujours sur la rive gauche en montant, je suis maintenant derrière un gros buisson qui me cache quasiment la partie de la rivière qui se trouve à l’amont. Je vois une belle accélération en plein milieu. De chaque coté, deux remous. Celui de droite je ne peux le prospecter d’ou je me trouve, car je n’arriverai pas à éviter le courant central. Celui de gauche est plus beau, je le discerne à peine, au travers du buisson qui m’en sépare. J’ai la place de poser ma mouche convenablement, et de faire une belle dérive, sans pouvoir suivre ma mouche du regard. Je pose là ou il me semble devoir le faire. Je ne vois pas la dérive, et estime son parcours, avant de redresser ma canne comme je le ferai en fin de dérive. Je garde à l’esprit, tout de même qu’une belle est peut-être après ma mouche. Immédiatement mon cœur me dit que non seulement c’est le cas, mais que c’est du sérieux. Je n’ai que la place de prendre contact, et de tendre ma ligne. La différence avec les poissons habituels est immédiate. Les premières secondes sont intenses. On ne contrôle rien. L’énergie du poisson est telle qu’on est transportés, on passe en mode instinct. D’ailleurs je ne prends aucun soin à sortir de ma cachette. Je ne suis plus un indien. Je suis un moucheur heureux à qui la nature propose un deuxième défi. La truite monte comme une fusée se caler sous le bouillon qu’elle connaît si bien, en plein milieu du courant. Elle sait que là avec peu d’effort elle prend une dimension supérieure. Ce truc qui la dérange et qui lui pique la bouche ne résistera pas à sa puissance décuplée. Moi, tout comme elle, je sais aussi ou me placer pour me sentir fort, et que je dois dégager ma canne. Je me rappelle surtout ce que je dois éviter de faire. Je suis maintenant sur la berge d’en face, sur une petite plage, que ne surplombe pas d’arbres. Ma canne je la tiens le plus haut possible, et ma soie est déjà entièrement dans ma bobine. Je ne tiens pas ma soie entre mes doigts, comme tout à l’heure, mais la bobine de mon moulinet. Quand elle me prendra de la soie, je dois éviter que mon moulinet ne s’emballe. La belle ne bouge pas d’un poil. J’adore ce moment, la capacité des gros poissons à tenir le fond, et de proposer ce premier défi. La sensation de tenir une branche, et le doute qui suit. Accroché, piqué ?… Tirer, donner du mou ?… Ces secondes sont magiques, car se sont celles que l’on attend. Si je reste là , à attendre, elle aussi ne bougera pas. De plus je sais que sur un fil fin, la bagarre dure plus longtemps. Par conséquent la truite risque de s’épuiser énormément. Donc, même si le reste ne va pas me plaire forcement, il me faut lui expliquer que le truc qui pique, piquera malgré la force du remous qu’elle utilise. Je tends la ligne autant que je le sens. Elle réagit mais ne bouge pas. Le temps de réaliser que je suis en train de courir sur l’eau à sa poursuite, ma soie est entièrement sortie. Mon moulinet chante, et la truite vient de se rappeler la règle numéro deux. Elle dévale la rivière sans marquer d’arrêt en montrant une puissance réellement stupéfiante pour un si petit animal. Je ne veux pas penser à ce moment. Penser, que quelques minutes plus tôt j’avais du mal à simplement marcher au même endroit. N’y pense pas, n’y pense pas, tu vas te vautrer. Je l’a suis, je l’a suis totalement. Je suis elle et vois ce qu’elle voie. J’anticipe ses réactions. Je vois à peu près ce qu’elle peut faire. Elle ne se prive pas et utilise tout les artifices qui lui sont proposés. Elle connaît tout les recoins de la rivière. Je ne me casse pas la figure et arrive à suivre la cadence. Ce coup-ci , je suis bien présent, aussi alerte qu’elle . Je veux la connaître. 50 mètres plus bas, et quelques minutes plus tard je suis de nouveau à l’endroit même ou j’ai loupé sa sœur. Il y a là une grosse souche, et je sais pertinemment qu’elle va s’y loger. Si je la sort de cet ultime piège je vois que je peux conclure le combat. Elle n’aura pas la force de remonter, et en aval il y a le grand calme. Elle ne loupe pas la souche et s’y entortille. Maintenant la partie technique doit laisser un peu de place à quelques chose que je ne peux résoudre. Je suis sûr elle, je peux la toucher. Elle est dans la souche, sous ma canne. Si elle sort d’elle même je l’attrape, si sa casse je hurle. J’ai dû être un gentil garçon, et suis digne d’elle, car elle se dégage et de ses dernières forces glisses en aval au milieu du calme. Je dresse ma canne au maximum de manière à tenir son museau hors de l’eau, j’attrape mon épuisette, me place sous elle. C’est fini. Je sort de l’eau, pour la décrocher, et la prendre en photo. Dans le filet je cherche désespérément ma mouche. Je ne l’a trouverai qu’après avoir rendu sa liberté à la belle. L’hameçon est cassé, juste derrière le montage. Aujourd’hui j’ai rendez-vous avec la belle, mais je ne le sais pas encore. J’ai rendez-vous avec une fario magnifique, une reine des eaux, près de laquelle maintes fois je suis passé sans jamais avoir été suffisamment éveillé pour la voir. Je ne sais pas grand chose d’elle sinon qu’elle fait un empan de plus que ma poignée de liège. Je sais aussi où la trouver, et que demain nous avons rendez-vous… .

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