Solid blue

22 février 2010

Argentine

Rio Loro

christophe douziech

Leurs cris perçants déchirent le silence, mon regard les accroche, flèches filant au-dessus des cimes feuillues de la forêt de lengas. Ces perroquets du bout du monde aux queues rougeâtres semblent déplacés dans ces contrées froides… Pour parvenir à cet étroit fleuve côtier, il aura fallu traverser une grande tourbière où culminaient parmi des mottes de mousses rouillées des arbustes chétifs et torturés. Franchir aussi des déversoirs issus de barrages de castor puis entrer dans un immense cimetière d’arbres osseux, éléments éparpillés de carcasses de monstres anciens. La rivière est là soudain, déroulant ses méandres au sein de cette forêt inquiétante, vierge de toutes traces humaines. Ses eaux noires renforcent l’impression. Par moments, le vent apporte le fracas du ressac de l’océan tout proche. Les fonds sont souvent meubles, de sable anthracite, la soie en est vite revêtue et se transforme en naturelle crissante lorsqu’il faut couvrir les tenues potentielles. Ces dernières sont les eaux les plus profondes des berges concaves, d’où émergent des troncs morts déposés par les crues. Les gours obscurs sont truffés d’ossements sombres et une main douce permet de ne pas y abandonner à tout coup la mouche si un ferrage appuyé a répondu trop vite au blocage soudain. Les tentatives pour la libérer, en entrant dans l’eau, ruineraient tout espoir de touche véritable en soulevant des nuées de sédiments, alertant ces créatures méfiantes, sauvages et craintives que sont ces truites venues de la mer. La mouche s’immerge au long d’un arbre blanc, dérive lentement puis se met à vivre au sein du remous prolongeant l’obstacle, la soie se tend vivement, la traction brutale emballe les battements cardiaques, des coups sourds entrecoupés de fuites rapides ébranlent la main serrant le liège. Le silence assourdissant est rompu par l’eau qui bouillonne et par ma course maladroite dans la fange sableuse pour suivre la créature affolée. Couchée sur le flanc, l’animal livre sa merveilleuse beauté, son armure d’écailles parcourue de fulgurances bleutées, de mouchetures noires. Ses opercules battent fort, il faut ôter le streamer de son bec et, remise d’aplomb, la truite fuit dans une vague qui s’estompe plus elle s’éloigne du pêcheur qui sourit encore.

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